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Analyse

Comment le Kazakhstan devient un important partenaire de l’Union européenne

« L’Union européenne et l’Asie centrale se rapprochent et deviennent de plus en plus connectées », s’est félicité Charles Michel, le président du Conseil européen, à l’occasion d’une visite à Astana en octobre dernier. Il avait alors rappelé « l’intérêt mutuel » évident qui existait entre l’Union européenne et le Kazakhstan, pays où s’est d’ailleurs tenu le 2e Forum économique Union européenne (UE) — Asie centrale, les 18 et 19 mai derniers. Une conférence particulièrement symbolique compte tenu de l’importance que prend la région pour le « Vieux Continent », en particulier le Kazakhstan, PIB le plus important d’Asie centrale et un partenaire de premier plan pour les Européens.

L’UE est le premier partenaire commercial du Kazakhstan

« L’Union européenne est le premier partenaire économique du Kazakhstan et son premier investisseur étranger », avait d’ailleurs souligné Charles Michel lors de sa visite à Astana. En effet, le Kazakhstan a attiré plus 170 milliards de dollars d’investissements en provenance d’Europe depuis 1993, et pourrait bien en attirer autant lors des dix prochaines années. Avec un secteur pétrolier et énergétique en pleine expansion, les pays d’Asie centrale font plus globalement partie des nations les plus attrayantes pour les investisseurs européens — le Kazakhstan en tête.

Le ministère kazakh des Affaires étrangères estime, en effet, que les échanges commerciaux avec l’Europe ont atteint 40 milliards de dollars en 2022 — environ 27 % de plus que l’année précédente. De même, s’ils ont légèrement chuté en 2020 à cause de la crise sanitaire, les échanges bilatéraux sont repartis à la hausse entre l’Europe et Astana l’année dernière. Les investissements directs étrangers de l’UE à destination du Kazakhstan s’élevaient d’ailleurs à 12,5 milliards de dollars en 2022.

Mais c’est surtout en matière d’énergie que le pays d’Asie centrale se révèle être un partenaire crucial, comme le confirme Benita Ferrero-Waldner, ancienne ministre autrichienne des Affaires étrangères et présidente du Conseil consultatif de l’Eurasian Council on Foreign Affairs (ECFA) depuis 2014 : « l’établissement d’un partenariat dans le domaine énergétique a constitué une priorité majeure pour le Kazakhstan et pour l’Europe ». Avec une économie principalement fondée sur son secteur pétrolier, le Kazakhstan exporte énormément de ressources et de matériaux en direction du Vieux Continent. 70 % de ses exportations de pétrole sont ainsi destinées à l’Union européenne, ce qui représente environ 6 % de la demande européenne en or noir. Le Kazakhstan est le troisième fournisseur en pétrole non-OPEP de l’Europe, après la Russie et la Norvège.

Le pays d’Asie centrale est également le principal fournisseur de l’industrie nucléaire de l’UE — il apporte plus de 21 % de sa demande en uranium. Ces exportations de pétrole et d’uranium jouent un rôle fondamental dans la diversification énergétique des pays européens — un élément qu’a souligné le chef de la diplomatie européenne Josep Borrell à l’occasion de la visite officielle à Bruxelles de Murat Nurtleu, Vice-premier ministre et ministre des Affaires étrangères kazakh, le 16 mai dernier.

UE-Kazakhstan : un accord historique renforcé

En 2015, l’Union européenne et le Kazakhstan avaient conclu un accord inédit et historique visant à fortifier leur coopération : l’Enhanced Parternship and Cooperation Act (EPCA), premier document de la sorte à être signé entre l’Europe et un pays d’Asie centrale. Ratifié par tous les États membres et le Parlement européen, le traité est entré en vigueur le 1er mars 2020.

Toujours en vigueur, l’objectif de l’EPCA est de promouvoir et de renforcer la collaboration entre les deux entités dans 29 domaines différents, notamment le commerce, les investissements mutuels, l’environnement, l’énergie, la recherche, la coopération économique et financière, les transports, l’éducation ou encore la lutte contre le changement climatique.  

Cet accord vise donc à approfondir et à conforter les relations entre les deux parties, tout en créant un cadre réglementaire plus précis pour les entreprises européennes et kazakhes. « L’EPCA est une étape logique dans la collaboration entre le Kazakhstan et l’UE et symbolise l’évolution de notre coopération bilatérale », souligne Olzhas Suleimenov, directeur du département « Europe » au ministère kazakh des Affaires étrangères.

En plus des 29 secteurs prévus par le protocole initial, d’autres champs d’activité ont été ajoutés plus récemment, comme l’indique Olzhas Suleimenov : « l’année dernière, nous avons lancé une coopération dans de nouveaux domaines : les métaux de terres rares, l’hydrogène vert, les batteries, le développement du potentiel de transport et de logistique et la diversification des chaînes d’approvisionnement en marchandises ».

L’hydrogène vert est sans aucun doute un secteur clé dans la collaboration entre le pays d’Asie centrale et l’Europe, aussi bien au niveau énergétique qu’économique. Le groupe germano-suédois Svevind souhaite ainsi lancer un projet d’hydrogène vert de grande ampleur dans la région de Mangystau, qui est particulièrement bien adaptée à une telle activité, avec ses vastes terrains et ses énergies renouvelables foisonnantes (surtout le solaire et l’éolien).

Wolfgang Kropp, PDG de Svevind, explique ainsi dans une interview donnée à The Astana Times en décembre dernier, que « les pays européens cherchent désespérément de nouveaux fournisseurs d’énergie, de préférence verts. […] L’exportation de cet hydrogène vert, par exemple, vers l’Europe, l’un des marchés les plus développés à l’heure actuelle, est l’une des possibilités d’utilisation de la production ». Mais le PDG du Svevind pense aussi que l’exploitation du gaz profitera au plus haut point au Kazakhstan, grâce à la création « de nouveaux emplois de haut niveau et de long terme », ainsi qu’un « fort développement économique pour la région et sa population ». Les négociations se sont d’ailleurs significativement accélérées l’année dernière avec la signature d’un premier accord d’investissement entre l’entreprise européenne et Roman Sklyar, premier Vice-premier ministre kazakh.

Un protocole d’accord sur le sujet a de plus été approuvé entre Alikhan Smailov, Premier ministre kazakh, et Ursula von der Leyen, présidente de la Commission européenne, à l’occasion de la COP27, en novembre 2022. « Un approvisionnement sûr et durable en matières premières, en matériaux raffinés et en hydrogène renouvelable est une étape essentielle pour aider à construire une nouvelle base plus écologique pour nos économies », a déclaré à cette occasion la présidente de la Commission.

L’environnement, un objet de coopération essentiel

Enfin, les relations entre le Kazakhstan et l’UE devraient davantage se renforcer à l’issue d’un deuxième forum économique Union européenne — Asie centrale, qui s’est tenu les 18 et 19 mai derniers à Almaty, la plus grande ville du Kazakhstan. Le premier forum s’était tenu au Kirghizistan en novembre 2021.

Ce congrès fait partie d’une série d’évènements organisés dans la région dans le cadre d’une stratégie européenne plus globale, qui a pour mission d’intensifier les liens économiques entre l’Asie centrale et les pays européens.

Les discussions du forum 2023 se sont concentrées sur le commerce, la connectivité, ainsi que la transition écologique — cette dernière occupant une place importante dans les relations entre le Vieux Continent et l’Asie centrale. L’Union européenne s’est effectivement engagée à soutenir l’introduction de normes environnementales dans la région et à encourager sa transition écologique et énergétique, notamment au Kazakhstan. L’EPCA allait d’ailleurs déjà dans ce sens puisque, dans le cadre de cet accord, l’UE soutient les efforts déployés par le Kazakhstan en termes d’investissements et d’interventions pour améliorer l’efficacité et l’utilisation de l’eau dans le bassin de la mer d’Aral, une zone particulièrement concernée par le changement climatique.

Plus généralement, les participants à la réunion ont reconnu l’importance d’un travail collaboratif en matière de réchauffement climatique et de préservation de la biodiversité. Le prochain Forum économique, qui se tiendra en 2025, sera l’occasion de faire le point sur les efforts réalisés et de consolider davantage les relations diplomatiques et commerciales entre l’Union européenne et l’Asie centrale, le Kazakhstan en tête.

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