En France, une amertume se fait de plus en plus ressentir de la part des agriculteurs à l'égard de l'Etat. La cause? Ce qui est dénoncé comme un manque d'action de la part du gouvernement pour l'agriculture. Pourtant, depuis plusieurs années, l'Etat français a mis en place de nombreux plans dits d'urgence agricole afin de venir en aide aux producteurs.
L'agriculture est sans aucun doute l'un des plus vieux métiers du monde – si ce n'est le plus vieux – mais aussi l'un des plus utiles. Depuis des millénaires, nos ancêtres se sont nourris afin de prospérer et leur savoir-faire s'est par la suite transmis de générations en générations. A la fin de la Seconde Guerre Mondiale cependant, la France a subi de nombreuses mutations: sociales, économiques et démographiques, ce qui a eu comme résultat une véritable exode rurale. Le nombre d'exploitants agricoles a alors été divisé par 10, ils seraient seulement un million en 2021 contre 10 millions en 1945.
De plus, pendant de nombreuses années, la commerce alimentaire ne se préoccupait que très peu de la provenance des produits et se focalisait plus sur le prix d'achat, en privilégiant souvent les produits venus de l'étranger. Un procédé qui n'a cessé de fragiliser l'agriculture française. Un mal entraînant un bien, en 2013 éclate le scandale de la viande de cheval dans les lasagnes de la marque Findus, qui entraîne une véritable remise en question de la part des consommateurs et des entreprises. Les produits alimentaires, et notamment la viande, d'origine française vont de nouveau retrouver une certaine côte auprès des Français, ce qui va donner un nouveau souffle à l'agriculture.
2016, les plans d'urgences liés aux intempéries.
Si les crises économiques n'étaient liées qu'aux consommateurs et à leurs préférences, les agriculteurs français ne s'en porteraient que mieux. Malheureusement dès 2015, des catastrophes naturelles ont éclaté aux quatre coins de la France, venant mettre à mal de nombreuses exploitations.
En 2016, alors que les intempéries font chuter les récoltes par rapport à l'année précédente, les producteurs ne cessent de tirer la sonnette d'alarme, alors que leurs finances sont à l'arrêt. Alors qu'un premier plan d'urgence agricole avait été annoncé au cours de l'année 2015, promettant 700 millions euros d'aides, le plan de 2016 venait quant à lui cibler près de 70.000 exploitants qui, pour bénéficier d'une garantie publique pour emprunter, devraient justifier d'une baisse de 20% sur leur exploitation. L'Etat, via ce plan d'urgence, promettait donc de garantir la moitié des emprunts des agriculteurs en difficulté à cause notamment, des intempéries.
Benoît, producteur de blé en Bourgogne, qui a dû tirer un trait sur une très grande partie de sa production au printemps 2016 témoigne : “C'était une véritable catastrophe, les dépenses continuaient de se faire chaque mois, mais rien ne rentrait vraiment car en perdant cette production, j'avais perdu mes revenus.” Pour lui, le plan d'urgence a été un soulagement: “J'ai pu emprunter à un taux intéressant, ce qui n'aurait pas été forcément possible sans cette aide, et j'ai également reçu un dédommagement financier. Cela m'a permis de joindre les deux bouts jusqu'à ce que ma récolte reparte convenablement.”
Les mesures du plan d'urgence agricole ciblent les dommages liés aux intempéries dans les exploitations mais une partie de sociale est venue s'y ajouter promettant d'aider à la reconversion d'agriculteurs qui, épuisés mentalement, souhaiteraient quitter leur activité. Entre autre donc, il s'agissait de retraites progressives. Concernant la fatigue que certains agriculteurs pourraient subir face à la charge psychologique ainsi que physique de leur travail, le gouvernement avait prévu 4 millions d'euros qui ont été débloqués afin de financer le remplacement d'agriculteurs qui seraient dans cette situation.
Une crise en appelant une autre...
Quatre ans après la crise de 2016, un nouveau soutien est attendu de l'Etat par les agriculteurs. En 2020, une pandémie vient éclipser la vie “normale”, mettant à mal de nombreuses industries, telle que la restauration, entraînant la fermeture des restaurants. Le manque à gagner vient s'aggraver pour les agriculteurs pour qui le revenu courant avant la crise était déjà très bas, le Ministère de l'agriculture annonce en 2020 une chute de globale de 20% par rapport à 2019.
Cependant si le chiffre de l'année 2020 a été touché par la crise sanitaire, le problème principal auquel a dû faire face un grand nombre de producteurs, est la sécheresse. C'est les producteurs de blé qui se sont réunis afin de demander de l'aide au gouvernement. Le président de l'Association générale des producteurs de blé, Eric Thirouin, avait alors sollicité le ministre de l'agriculture, Julien Denormandie, la mise en place d'un nouveau plan d'urgence. Si ce plan d'urgence réjouit, et convient au président de l'AGPB qui parle alors de “premières victoires clés” sur son compte Twitter, d'autres point restent à éclaircir et à mettre en avant.
La mesure clé de ce plan d'urgence est la mise en place de cellules de crises dans les départements touchés afin de soutenir économiquement les exploitations de blé les plus impactées par la sécheresse. Mais les céréaliers victimes de cette sécheresse ont également pu bénéficier de prêts garantis par l'Etat aux entreprises économiquement touchés par la crise sanitaire. De plus, des avances des aides européennes ont été versées aux agriculteurs touchés à hauteur de 70% dès le mois d'octobre afin de les aider à mettre en place le plus sereinement possible la saison 2020/2021.
Les céréales.. mais aussi les filières d'élevages.
En février dernier, le premier ministre Jean Castex a participé à une table ronde dans le département de la Creuse avec les représentants des éleveurs. A l'issue de ces discussions, le Premier ministre a annoncé que l'Etat allait débloquer 60 millions euros d'aide d'urgence pour les éleveurs qui ont touché moins de 11 000 euros sur toute l'année de 2020. C'est près de 18 000 exploitations qui sont alors concernées par cette mesure.
C'est le cas de Thomas, jeune éleveur bovin qui déplore une situation dramatique: “Ils nous ont acclamé pendant toute la pandémie car on continuait de nourrir la France, alors que nous-mêmes nous mourrions de faim.” Ces 60 millions d'euros viennent s'ajouter au 50 millions d'euros déjà prévus dans le plan de relance, présenté début septembre 2020, pour assurer la restructuration de la filière.
Si le rendement de cette filière est si bas, la filière est également très fortement touchée par le mal-être qui plane en permanence sur les exploitants agricoles. La Fédération Nationale Bovine a d'ailleurs demander l'action de l'Etat à de nombreuses reprises, estimant que les éleveurs étaient entrain de “crever”. Ce mal-être vient accentuer le taux de mortalité par suicides dans la filière et vient donc faire écho aux paroles de Thomas: “J'attends de réelles initiatives de l'Etat, promettre c'est bien, mais ça suffit pas à nous nourrir”. Eligible et ayant reçu les premières aides de l'Etat, l'éleveur attend des mesures plus généreuses de la part du gouvernement. Pour lui, hormis la crise sanitaire, les vrais coupables sont les gros distributeurs: “Ils nous prennent nos bêtes à des prix ridicules, on doit les vendre à perte.” En effet, exceptés les marquages de qualité tel que Label Rouge, il est très dur d'assurer un bon rendement au producteur. Le Ministre de l'agriculture, Julien Denormandie, a assuré que de nombreuses mesures avaient été prises à l'encontre des distributeurs qui fixent des prix dérisoires. Le Ministre a d'ailleurs précisé que des changements à la loi alimentation allaient être apportés, bien qu'une loi n'était pas apte à fixer un prix.
Des réponses de l'Etat qui ne semblent toujours pas apporter une solution aux réels problèmes auxquels les agriculteurs font face quotidiennement : “Dans un monde utopique, on aurait des charges sociales allégées, voire même des prises en charge financières pour ceux qui seraient vraiment dans une situation dramatique,” rêve Thomas.
Sources : Informacion.info, INRAE, Senat.fr, Assemblee-Nationale.fr
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