Élément essentiel de notre vie sur Terre, l'eau des mers et des océans recouvre 71% de notre planète. Le cycle de l'eau tient un rôle fondamental dans notre environnement. Son bon fonctionnement permet la régulation du climat. L'océan absorbe le dioxyde de carbone (CO2), que nous émettons en grande quantité, et produit du dioxygène (O2) dont nous avons besoin pour vivre.
Malgré leur importance pour le système écologique, les étendues marines sont en danger. En un an, neuf à douze millions de tonnes de déchets plastiques sont déversées dans les océans. L'impact de la France s'élève à 11 200 tonnes. Quinze millions d'animaux meurent à cause du plastique chaque année. Cinq mille milliards de morceaux de plastique flottent déjà dans nos océans. Cela forme des « mers de plastiques », dont l'étendue est parfois supérieure ou égale à la superficie d'un pays comme la France. Les scientifiques parlent même d'un « septième continent ».
À la suite du rapport du Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (Giec) en 2016, ces chiffres vertigineux et ces prévisions alarmantes ont accéléré la prise de conscience quant à l'urgence de protéger les océans.
Quitter le navire pour mieux naviguer
Catherine Chabaud, journaliste et navigatrice française, est aujourd'hui députée européenne. Elle a cofondé la plate-forme Océan et Climat et, a lancé avec Eudes Riblier – président de l'Institut français de la mer – , l'association Océan bien commun de l'humanité. En 2018, cette structure a lancé un appel sur son site internet oceanascommon.org pour faire reconnaître l'océan comme le bien de tous et « que chacun prenne conscience de sa responsabilité ».
Sa passion pour la mer lui vient de l'enfance. La première femme à avoir bouclé un tour du monde à la voile en solitaire partage ses souvenirs de plongées avec son père à Roscoff (Finistère). Elle revient sur sa rencontre avec l'océan ainsi que sa prise de conscience sur la pollution des milieux océaniques. « Il y a quarante ans de cela, les plages étaient souvent souillées de mazout à cause du dégazage des bateaux au large, commence-t-elle. En plongée sous-marine, j'observais des déchets dans les fonds. Puis, lors de ma première traversée de l'Atlantique en solitaire en 1991, j'ai vu des étendues de déchets en plein milieu de l'océan. Je me suis demandé comment en étions-nous arrivés là collectivement ? ».
En parallèle d'une riche carrière sportive de navigatrice, la journaliste a travaillé pour plusieurs médias. Après avoir créé Reporters Bleus pour « montrer, à travers des reportages, les solutions qui existaient en matière de développement durable », elle a animé une chronique développement durable sur Europe 1 et a été rédactrice en chef de la revue Thalassa.
« Je m'emploie à faire monter le niveau de la mer au parlement européen et dans les débats », Catherine Chabaud, députée européenne.
De son métier de journaliste à ses engagements politiques, Catherine Chabaud est passée de passionnée à engagée. Après son rôle de conseillère au Conseil économique social et environnemental, elle a été nommée déléguée à la mer et au littoral au ministère de l'Environnement, de l'Énergie et de la Mer. Elle a quitté ce poste avant de devenir députée européenne en 2019. « L’Europe est le bon échelon pour tous les enjeux maritimes. Je suis dans trois commissions : environnement, pêche et développement. Je m'emploie à faire monter le niveau de la mer au parlement et dans les débats», sourit-elle.
Cofondatrice, avec Julian Stone, de l'association Innovations Bleues, la navigatrice pilote divers projets de bateaux écoconçus et mène de nombreuses missions. En 2013, elle découvre le concept de l'océan comme « bien commun de l'humanité ». Elle explique : « la mer manque de statut juridique. Les fonds marins en ont un. Dans les zones économiques exclusives, les États sont plus intéressés par leur souveraineté que préoccupés par leurs responsabilités quant aux ressources de ces zones ».
Tous les pays sont concernés par l'importance de préserver l'océan. L'association porte un projet de reconnaissance de l'océan comme un bien commun de l'humanité à l'Organisation des Nations unies (ONU). « Si les pays membres de l'ONU votent cette reconnaissance, l'océan aura une place dans tous les débats. Prochainement, un traité sur l'océan va être signé entre plusieurs pays, nous souhaitons inscrire, en préambule, la responsabilité de chacun dans la préservation de ces espaces et la non-appropriation du vivant. », détaille Catherine Chabaud.
Des associations et des engagés
Océan bien commun de l'humanité n'est pas qu'un projet politique ou législatif. « La reconnaissance par l'ONU ou les instances politiques européennes et nationales ne suffit pas. Il faut que les gens se sentent concernés, qu'ils comprennent le problème et l'importance de leur rôle », argumentent les différents engagés.
Cofondateur de l'association, Eudes Riblier est aussi président de l'Institut français de la mer. Il a découvert la navigation avec sa famille quand il était enfant. Ingénieur maritime, armateur, dirigeant de chantier,... Eudes Riblier ne quitte pas le monde marin. « Ma vie professionnelle est totalement tournée vers le maritime. »
« Faire connaître et aimer la mer aux français », Eudes Riblier.
L'institut français de la mer est une association « think tank » : un groupe de réflexions réunissant des experts. L'association tente de pousser tous les sujets maritimes et de faire avancer les débats. « C'est à la suite d'une discussion avec des scientifiques que nous avons lancé l'appel d'Océan bien commun de l'humanité. » L'institut français de la mer organise des conférences régulières comme « les mardis de la mer » en partenariat avec l'institut catholique de Paris. L’association – reconnue d'utilité publique – provoque des colloques scientifiques tous les ans ou tous les deux ans. Elle publie ses recherches et ses discussions dans « la seule revue de fond sur le sujet maritime » : le mensuel la revue maritime. « En plus de cela, nous avons des comités locaux, qui, sur le littoral, animent des communautés de passionnés de la mer. », indique Eudes Riblier.
« L'océan est un seul et unique. Il est global et continu. » Lorenzo Arduino, Océan Bien commun de l'humanité.
3,5 milliards de personnes se nourrissent principalement de l'océan, pourtant, 80% de la pollution marine provient de la Terre. C'est pourquoi, l'association prend sa mission d'éducation très à cœur.
« Il y a une distance cognitive des Hommes par rapport à l'océan. Les gens n'ont pas forcément conscience du cycle de l'eau, que les fleuves atteignent les océans, etc. », souligne Lorenzo Arduino, manager des opérations et business développeur pour l'association Océan bien commun de l'humanité. Le jeune amateur de surf recherche des partenariats et s'occupe de la coordination avec les divers partenaires de l'association. L'objectif est de fédérer une communauté autour de cette problématique « pour que chacun prenne conscience de son impact, individuellement puis collectivement ». Les fonds récoltés par l'association permettent de développer des partenariats et de soutenir la restauration de l'écosystème. Océan bien commun de l'humanité peut ainsi soutenir et créer des programmes écologiques, comme replanter des coraux en Asie du sud-est, développer la biodiversité en ville, protéger les mangroves, etc. « Ce sont des projets importants, tout comme les projets de nettoyage des océans avec les nouveaux bateaux ramasseurs de déchets. Mais il faut, en priorité, réduire notre consommation de plastique et notre production de déchets. Et cela passe par l'éducation à la protection des océans, c'est à ça que servent nos actions et nos rencontres. », affirme Lorenzo Arduino.
Killian Day, est chargé de communication événementielle pour l'association Océan bien commun de l'humanité. « Notre devise est : penser global et agir local, indique-t-il. Dans le premier volet (penser global), on parle des actions politiques portées par Catherine Chabaud au niveau européen et à l'ONU ainsi que le travail de recherches et de discussions scientifiques de l'Institut français de la mer. Dans le second volet (Agir local) on parle d'actions pour trouver les fonds, faire connaître l'association et mettre en place des événements. » L'association organise le blue friday : une collecte de fonds en partenariat avec les boutiques locales qui reversent une partie des recettes du black friday à une association choisie par l'enseigne. Autre action : le blue print est un accompagnement des territoires par des réunions de leurs acteurs (collectivités, entreprises, associations, citoyens). Océan bien commun de l'humanité profite aussi du 8 juin – journée mondiale des océans – pour se tourner vers les commerces et les consommateurs. Elle a créé divers partenariats. Avec la ville de Saint-Jean-de-Monts (Vendée), l'association organise un relais en stand-up paddle. L'occasion de sensibiliser sur la protection des océans et de récolter des fonds. L'association a aussi créé une aire marine éducative à la Trinité-sur-Mer (Morbihan). Accessible aux écoles, ce lieu permet d'étudier et de suivre l'évolution de la mer et des nombreuses espèces vivantes qui la composent. En plus de ces actions, une partie des fonds est reversée à l'antenne locale de Surfrider Foundation Europe qui lutte pour la protection et la mise en valeur de l'océan.
Bouteille à la mer ? N'en jetez plus, la cour est pleine !
Les dons récoltés couvrent le fonctionnement de la structure et le coût des actions menées. Mais avec la volonté d’accroître le budget alloué aux actions, l'association se heurte à un frein. C'est, pour le moment, une petite structure qui manque encore de moyens humains et financiers. En recherche de partenaires, l'association mise sur les influenceurs. Ces derniers, préférant une communauté moins nombreuse mais plus active, acceptent des partenariats selon l'harmonie des engagements de l'association avec leurs valeurs.
Impulsion Bleue est un collectif qui œuvre pour Océan bien commun de l'humanité. Composé de onze étudiantes en Master 2 manager en marketing, événementiel et communication à l'IGC Business School de Nantes. Leurs objectifs sont de créer un événement pour récolter des fonds, d'encourager la signature de l'appel d'Océan bien commun de l'humanité et de sensibiliser les citoyens à la protection de l'océan grâce aux réseaux sociaux.
Ce collectif est à l'origine de l'événement Bouger pour l'océan. Adressé à toute la population nantaise et des alentours, cet événement est un parcours, à effectuer en marchant ou en courant, tout en ramassant des déchets. L'une des membres du collectif explique : « Les fonds récoltés lors de cette journée seront répartis à 50% pour Océan bien commun de l'humanité et l'autre moitié pour la fédération des amis de l'Erdre qui lutte pour la propreté et la bonne circulation de l'eau dans le fleuve ». Cette fédération organise aussi des opérations de nettoyage et propose des ateliers de prévention et de sensibilisation dans les écoles.
La jeune étudiante avoue que le projet a beaucoup évolué. « Il a fallu s'adapter aux conditions sanitaires, changer l'événement, modifier les dates, et même aujourd'hui, nous ne sommes pas sûres de pouvoir réaliser cet événement », partage-t-elle. Et d'ajouter : « Il faut continuer à communiquer sur la préservation des océans, les actions des associations comme Océan bien commun de l'humanité et signer l'appel. Plus il y aura de signatures, plus les mentalités évolueront vite. Nous devons prendre conscience que l'océan est à personne mais est à tout le monde ».
Malgré ces engagements, l'appel sur le site internet de l'association n'a regroupé que 8 000 signatures en deux ans. Une déconvenue qui ne décourage pas les acteurs qui se battent pour la sauvegarde de l'océan. « C'est en multipliant les appels, les événements, les partenariats que tout le monde se sentira concerné. »
Il est encore trop tôt pour mesurer l'impact de leurs actions. Tous ces engagements se verront sur le long terme et visent à changer les comportements de nos sociétés. Pourtant, il y a urgence.« On parle d'aquasphère. L'océan est un seul et unique. Il est global et continu. Si l'on jette un déchet quelque part, il peut faire plusieurs fois le tour du monde, tout correspond. Que l'on habite en bord de mer ou dans une grande ville loin du littoral, notre relation à l'océan n'est pas la même, pourtant, notre impact est identique. »
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