La justice allemande a condamné à la perpétuité un jihadiste irakien pour "génocide" de la minorité yazidie, une première au monde et un verdict crucial pour la reconnaissance des abus commis contre cette communauté kurdophone par l'organisation Etat islamique (EI). C'est la première fois qu'un tribunal juge que ces massacres relèvent du "génocide", déjà reconnu comme tel par des enquêteurs de l'ONU. Les juges de la Haute Cour régionale de Francfort ont donc reconnu Taha Al-Jumaily "coupable de génocide, de crime contre l'humanité ayant entraîné la mort, de crimes de guerre et de complicité de crimes de guerre". La lecture du verdict a été interrompue en raison d’une perte de connaissance du condamné.
Taha Al-Jumaily a rejoint les rangs de l’Etat Islamique en 2013. Il a été reconnu coupable d'avoir durant l'été 2015 à Falloujah, en Irak, laissé mourir de soif une fillette yazidie de cinq ans qu'il avait avec sa mère "achetée comme esclave", selon l'accusation. Pour ce forfait, son ex-épouse Jennifer Wenisch a été condamnée à dix années de prison le mois dernier pour "crime contre l'humanité ayant entraîné la mort de l'enfant”. "Aujourd'hui est un jour historique pour l'humanité. Le génocide des Yazidis entre enfin dans l'histoire du droit pénal international", a indiqué à l'AFP Natia Navrouzov, avocate et membre de l'ONG Yazda qui rassemble les preuves des crimes commis par l'EI envers les Yazidis. "Nous veillerons à ce que d'autres procès comme celui-ci aient lieu", a-t-elle ajouté. De son côté, Amnesty International a salué dans ce verdict "un signal contre l'impunité qui jette les bases d'autres procès". À la barre, la mère de la petite fille a raconté le calvaire enduré par son enfant, "attachée à une fenêtre à l'extérieur de la maison par des températures pouvant aller jusqu'à 50°", selon le parquet. Elle a également témoigné avoir été violée à plusieurs reprises par des membres de l’Etat Islamique.
Pour juger Taha Al-Jumaily, arrêté en Grèce en 2019, l'Allemagne applique le principe de la "compétence universelle" qui permet à un État de poursuivre les auteurs d'infractions les plus graves même quand elles ont été commises hors du territoire national. L'Allemagne est également l'un des rares pays à s'être saisi judiciairement des exactions commises par l'EI contre cette minorité. Avec ce jugement, la justice allemande a déjà prononcé six condamnations pour crimes contre l'humanité ou complicité de crimes contre l'humanité pour des faits en lien avec les Yazidis.
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