L’arrestation de près de 30 personnes qui protestaient contre le meurtre de Nizar Banat, militant anti-système battu à mort pendant un interrogatoire au commissariat de Hébron, montre que l’Autorité palestinienne s’en tient à sa tactique de répression et refuse de prendre des mesures pour lutter contre les crimes commis par son appareil de sécurité.
Les forces de sécurité de l’Autorité palestinienne ont arrêté samedi et dimanche près de 30 militants politiques qui demandaient que les responsables de l’assassinat de Banat il y a deux mois, soient poursuivis.
Le parquet de l’Autorité palestinienne a libéré dimanche la plupart des manifestants arrêtés la veille, mais huit d’entre eux ont été maintenus en détention pendant 48 heures supplémentaires.
Les arrestations de samedi se sont produites à Ramallah alors que les militants étaient sur le point de lancer la veillée sur la place Manara ou Place des Lions. Comme il se doit, ils avaient informé la police du district de Ramallah de l’événement à l’avance, le mercredi.
À l’heure prévue, les policiers ont détourné la circulation des véhicules de la place vers d’autres rues et ont arrêté les militants avant le début des manifestations. Selon Lawyers for Justice, un groupe palestinien de 23 militants a été arrêté samedi, dont deux femmes, et la plupart d’entre eux étaient des adultes âgés, dont certains avaient plus de 60 ans.
Dimanche, une douzaine de militants sont retournés au même endroit pour protester, mais ils ont trouvé la place remplie d’agents de l’Autorité Palestinienne, qui ont arrêté au moins cinq d’entre eux.
Selon les témoignages des familles, trois des personnes arrêtées, dont une femme, ont été battues pendant l’arrestation, et l’une d’entre elles, Maher al Akhras, qui avait mené une grève de la faim de 100 jours pour protester contre sa détention administrative (c’est-à-dire sans procès) l’année dernière en Israël, a dû être hospitalisée pour être soignée. Al-Akhras et les deux femmes font partie des détenus qui ont été libérés. A noter d'ailleurs que la plupart des autres détenus ont également été emprisonnés par le passé dans des prisons israéliennes pendant des périodes variables,
Certains d'entre eux ont annoncé immédiatement après leur arrestation qu’ils entamaient une grève de la faim jusqu’à leur libération. D’après ce qu’ils ont dit à leurs familles, ils la poursuivent toujours.
Lors d’une veillée de protestation contre leur arrestation dans l’enceinte du tribunal d’El-Bireh, proche de Ramallah, l’Autorité Palestinienne a arrêté l’un des manifestants, Khader Adnan, lui-même ancien détenu administratif en Israël et gréviste de la faim.
Lors d’une conférence de presse organisée à la hâte samedi soir, quelques heures seulement après les arrestations, Ziyad Amru, militant d’un nouveau groupe de protestation appelé We’ve Had Enough (nous en avons assez, NDLR) qui était censé se présenter aux élections palestiniennes, annulées pour l’instant, a affirmé que la responsabilité des arrestations incombait directement au président de l’Autorité Palestinienne, Mahmoud Abbas, et au Premier ministre, Mohammad Shtayyeh.
Pour sa part, Issam Aruri, le commissaire nouvellement élu de la Commission palestinienne indépendante des Droits de l’Homme, a déclaré que les arrestations n’étaient pas une décision locale de la police palestinienne, mais plutôt une décision politique. Aruri et d’autres représentants de groupes de Défense des Droits de l’Homme ont déclaré lors de la conférence de presse que l’interdiction des manifestations et les arrestations sont contraires au droit international et aux traités internationaux dont l’Autorité Palestinienne est signataire. En guise de réponse, celle-ci a accusé les personnes arrêtées d’agir dans le cadre d’« agendas étrangers ».
Depuis le meurtre de Banat en juin, le mouvement Fatah, majoritaire au sein de l'Autorité Palestinienne, a considéré que les manifestations qui ont suivi constituaient une menace contre lui et sa légitimité, et il a organisé des contre-manifestations en soutien à Mahmoud Abbas et aux services de sécurité palestiniens.
Un comité d’enquête dirigé par le ministre de la justice de l’Autorité Palestinienne a annoncé que Banat n’était pas mort de causes naturelles, et l’affaire a été transmise au parquet militaire palestinien, mais rien n’a été fait depuis. L’impression des médias locaux (y compris israéliens) est que Abbas espère que toute l’affaire sera oubliée et que la famille Banat sera apaisée par un arrangement qui se situe en dehors du système judiciaire officiel et selon la médiation traditionnelle entre les familles.
Ce meurtre et la répression des manifestations qui ont suivi pourraient constituer un point de non-retour du statut de l’Autorité Palestinienne et du Fatah aux yeux des citoyens palestiniens – continuation d’une tendance qui persiste depuis le report indéfini des élections de juin et d’août, respectivement, au Conseil législatif palestinien et à la Présidence.
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