Médiévaux pour certains, contemporains pour d’autres, il existe à travers le monde des entités publiques aux spécificités particulières dont rattacher une seule définition semble complexe : les micros-États. Ces nations sont reconnues internationalement, juridiquement définies comme entités étatiques à part entière, mais dont personne ne s’accorde sur leur nature exacte.
Au sein de la littérature scientifique, deux critères sont évoqués pour tenter d’établir une hiérarchie dans ce désordre : la population et la superficie. Le seuil maximal le plus approprié au niveau de la population est de 500 000 habitants comme limite à ne pas dépasser pour se définir comme un micro-État. Cette première catégorie permet de regrouper 31 États à travers le monde alors que la limite maximale au niveau de la superficie concerne 27 États. La barrière est située à 1 000 km2. Généralement, les mêmes pays se confondent au sein de ces deux catégories, cependant certaines exceptions existent, dont l’Islande (grande superficie et faible population) ou à l’inverse Singapour, un territoire étroit mais très peuplé (plusieurs millions d’habitants). Malgré leurs caractéristiques géographiques similaires, les micros-États éparpillés de toute part du globe terrestre ont de nombreuses différences. En Europe, ces nations sont souvent enclavées (sauf Malte et Monaco) alors que dans le reste du monde, il s’agit plutôt d’États insulaires (Antilles, Océanie).
Origines à travers l’histoire : Des millénaires aux « nouveaux nés »
Généralement, deux origines sont retenues concernant la création de ces entités. La première, concerne les micros-États européens et correspond à la période médiévale, avec la création d’Andorre, Saint Marin ou encore Monaco. La deuxième origine qui conditionne la création de nombreux autres micros-États est le processus de décolonisation qui aboutit par la création d’États insulaires principalement dans les Antilles et le Pacifique, ainsi que dans l’océan Indien. Les micros-États ont donc un ordre d’ancienneté différent, avec des créations à divers moments de l’histoire.
Caractéristiques communes : Les mêmes difficultés ?
Ces entités partagent généralement les mêmes limites, avec notamment des difficultés concernant la production agricole et un secteur primaire sous-développé. Etant donné la taille réduite de ces États, il est difficile pour eux de posséder et d’exploiter des terres arables. En conséquence, ils éprouvent une nécessité d’importer et de dépendre du commerce extérieur et de la fluctuation des prix.
Aussi, ils ont généralement peu de ressources naturelles, seuls certains d’entre eux comme le Bahreïn sont mieux lotis, avec le pétrole comme moteur de développement et de richesse nationale. Par l’étroitesse de leur territoire, les micros-États ne peuvent pas développer de nombreux secteurs économiques, ou ne peuvent tout simplement pas se développer dans les cas les plus extrêmes (Océanie).
Le secteur primaire en règle générale insignifiant, le secteur secondaire également en retrait, c’est donc le secteur tertiaire qui est davantage développé et des plus dynamiques. L’économie de ces États repose sur le secteur des services, ce qui entraîne une dépendance du commerce externe et des éventuelles difficultés en temps de crise. D’autant plus que leur balance commerciale est traditionnellement négative, avec des importations annuellement supérieures aux exportations.
Exister politiquement, un défi impossible ?
Pour les peuples cherchant à s’émanciper et réclamant le droit à une souveraineté reconnue par la communauté internationale, l’État reste l’unité de référence juridique. Malgré leur territoire réduit et leur population limitée, les micros-États demeurent des États souverains. Au cours du processus de création de nombre d’entre eux, le « motif » de création repose donc sur le droit à l’existence et du droit accordé aux peuples de disposer d’eux-mêmes. L’aspiration à l’autodétermination est par ailleurs un sentiment partagé par tous les micros-États. Ce phénomène est souvent retrouvé dans des zones instables marquées par des conflits. Parfois, cela n’aboutit pas à la création d’un micro-État sinon des micro-nations, des mini-États ou encore des entités non reconnues par tous les pays du monde ou toutes les instances internationales (ex : Kosovo). A l’avenir, on peut logiquement supposer que certaines instabilités politiques peuvent alimenter la prolifération de micros-États.
Ces situations répétitives sont parfois considérées comme des facteurs d’émiettement du monde, et amènent certains spécialistes en géopolitique à se demander s’il convient de soutenir l’émergence de ces petits États, ou au contraire, éviter leur création.
En dépit des particularités qui les définissent, les micros-États aspirent également à une existence internationale complète et à être pris en compte au sein des institutions internationales. Il est indispensable pour ces États de favoriser la coopération régionale, pour éviter une dépendance économique accrue vis-à-vis du monde extérieur. Même s’ils sont conscients de leur « insignifiance politique » au niveau international, ils aspirent toutefois à faire entendre leur voix. Certains terrains d’expressions sont davantage convenables, comme l’Assemblée générale des Nations Unies. Au niveau de la politique internationale, le grand point qui favorise ces petits États est la reconnaissance qu’ils ont acquis au sein de l’ONU, tant par la charte de l’ONU qui reconnaît juridiquement ces États mais également en leur attribuant la même « puissance » dans la prise de décisions onusiennes. En effet, au sein des Nations Unies, chaque État possède le même nombre de voix : une. C’est ainsi que Andorre a par exemple le même poids que des pays comme l’Allemagne, l’Australie ou encore le Canada. Cette particularité onusienne permet quelque peu de pallier l’insignifiance dans le domaine des relations internationales au niveau politique, en situant les micros-États sur un pied d’égalité avec les grandes nations.
Certains micros-États savent également comment faire face à leurs contraintes. En effet, les micros-États d’Europe n'intègrent par exemple pas l’Union Européenne du fait de pas avoir nécessairement d’intérêts économique à la rejoindre (pays déjà développés économiquement) mais aussi par crainte de perdre en autonomie. En effet, les décisions au sein de l’UE étant prises via un système de majorité pondérée selon la démographie, le système de vote est intrinsèquement désavantageux pour eux. Leur impact au sein des décisions de l’Union Européenne serait invisible et ils se verraient dicter toutes sortes de politiques sans possibilité de s’y opposer.
Viabilité : Certains micros-États sont-ils amenés à disparaître ?
Les limites géographiques naturelles de ces entités sont souvent problématiques notamment en ce qui concerne leur viabilité à long terme. Leur petite taille pousse les micros-États à s’adapter et à s’ouvrir vers l’extérieur, sans réelle alternative. C’est économiquement que se présentent les principales difficultés, avec la constante dépendance envers certains pays de plus grandes tailles (généralement les pays limitrophes). Comme évoqué précédemment, les micros-États n’ont en principe pas beaucoup de ressources naturelles sur lesquelles se reposer. Or le fait d’être internationalement considéré et reconnu comme un État engendre des coûts liés à ce statut : représentation extérieure, participation au sein des instances internationales ou le fait de maintenir un gouvernement en place. Mais encore, le rôle qu’a généralement l’État sur son territoire : les services à la population (essentiellement les services publics). Il s’agit là de nombreuses dépenses représentant une forte pression financière notamment quand le pays est peu peuplé et compose avec peu de revenus fiscaux.
Parmi les micros-États récents, la plupart sont des pays insulaires menacés par un réel danger environnemental avec la montée des eaux croissantes. Ils ont notamment besoin d’aide pour atténuer ces nouveaux problèmes mais aussi pour combattre le changement climatique. Certaines fonctions des États souverains sont donc très difficiles à assumer.
Toutefois, malgré les différents problèmes liés à leur taille, on peut remarquer que nombreux micros-États ont survécu à travers les époques alors que des puissances internationales ont sombré (ex URSS, Empire Ottoman…). Ces micro-nations ont su s’adapter à la plupart de leurs contraintes. En effet, alors que certaines se développent grâce à leurs ressources naturelles, d’autres ont trouvé des alternatives qui leur permettent de perdurer à travers le temps avec une « puissance » fiscale (paradis fiscaux ou pays à avantages fiscaux) ou par leur situation géographique favorable. Aussi, les États insulaires des Antilles peuvent profiter du tourisme et de la mer pour accélérer leur développement. Là-bas, les séjours touristiques et les croisières sont indispensables à la survie économique de ces îles. D’autres encore ont su mettre à profit leurs caractéristiques particulières pour attirer les investissements étrangers.
Cependant, il est également vrai que les micros-États éprouvent par leur taille réduite une peur constante, hantés par le risque de disparaître. La géopolitique qui prédomine est celle de la survie, exister est indispensable, le risque étant : les différentes convulsions de l’histoire internationale. Ce sentiment de vulnérabilité et la crainte de disparaître est sans aucun doute une des constantes partagées par la majorité des micros-États.
Les débats sur la place à accorder aux petits États a été ravivé à plusieurs occasions de l’histoire, notamment lors de l’apparition des micros-États d’Océanie. En effet, leur dépendance accrue en comparaison aux micros-États européens en fait des nations en grande difficulté stratégique, avec une géopolitique de la survie. Ces États semblent frappés par le « syndrome de l’État faible » pour nombre d’entre eux. Leur dépendance est impressionnante, elle se manifeste notamment au niveau budgétaire avec des entités fortement dépendantes des capitaux étrangers. La recherche d’accords bilatéraux et d’aides multilatérales est un outil indispensable, puisqu’ils alimentent les budgets étatiques. En Micronésie, aux Îles Marshall ou encore à Palaos, l’aide étasunienne ou l’aide extérieure annuelle représente entre 60 et 80% du budget étatique et parfois une grande partie du PIB également.
Ces flux financiers remettent en doute la viabilité à long terme de ces États, surtout si l’on se concentre sur l’endettement de certaines de ces entités. Certains micros-États comme Malte, ont des dettes extérieures supérieures à plusieurs fois leur PIB (5-6 fois pour Malte), en opposition totale avec le Lichtenstein ou Bahreïn qui composent avec un budget parfaitement équilibré.
Différences entre micros-états : écarts de richesse
Au-delà des différences quant à leur création, ces pays attestent également de différences à caractères économiques et parfois politiques (instabilité politique pour certains).
Les micros-États européens sont les plus « puissant » économiquement, avec un impressionnant niveau de développement pour la plupart d’entre eux, profitant même d’une qualité de vie exceptionnelle. C’est le cas de Monaco ou du Lichtenstein notamment, où les standards du niveau de vie sont même supérieurs aux grandes puissances européennes et leur PIB par habitant invraisemblable, avec plusieurs micros-États placés en haut des classements internationaux.
Des pays comme Andorre, le Vatican ou Saint-Marin ont une situation favorable en comparaison avec d’autres micros-états du monde. L’environnement de ces entités joue un rôle prépondérant, avec une situation favorable lorsque l’environnement est stable, démocratique, puissant économiquement (développé, dynamique) et prospère. En Europe occidentale, les micros-États n’éprouvent pas de retard de développement.
Aussi, l’appartenance à des organisations puissantes ou des relations économiques importantes apportent des bénéfices directs et indirects à ces Etats. Ainsi, alors que l'on a évoqué le dynamisme et la stabilité de la région, on peut aussi évoquer que les micros-États européens ont accès à un marché important et des fonds communautaires (pour ceux intégrant l’UE) qui sont une aide précieuse pour favoriser le développement et les infrastructures nationales (exemple : Malte). Aussi, d'autres pays sont présents dans les unions douanières ou font partie d’autres instances favorables au libre-échange (AELE pour le Liechtenstein).
Dans d’autres zones du monde, les micros-États connaissent de grandes difficultés pour raisons diverses, des problèmes économiques, un manque de ressource, des problèmes liés à l’éducation, la santé… Ils éprouvent une réelle difficulté à peser et à s’intégrer au sein du commerce international, restant en conséquence à l’écart du monde mondialisé. Dans leur cas de figure, l’environnement ne joue pas en leur faveur et n'aide pas à remédier à leur situation, ni à dynamiser leur commerce régional.
Pour ceux-ci, l’avenir semble plus délicat tant à court terme qu'à long terme...
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