Le luxe est le caractère de ce qui est coûteux et raffiné. Ce sont des dépenses qui peuvent être perçues comme non-essentielles et en période de crises certains concluent, parfois trop rapidement, qu’elles passeront au second plan. Les prévisions qui se sont cependant confirmées pour la crise actuelle. Le marché a connu une contraction importante : une baisse globale de 23 % a été observée sur l’année 2020. Le secteur a donc vécu un net recul, mais ce n’est peut-être pas le principal à retenir de la crise.
Les données et tendances qui seront précisées dans cet article sont extraites d’une étude réalisée par Bain & Company, Luxery Market Study 2020. Bain & Company est un cabinet de conseil en stratégie et management : l’un des plus prestigieux du monde.
Selon l’agence de communication Alioze, il existe deux catégories de produits dans le luxe : l’expérientiel, avec les voyages, l’hôtellerie, les voitures, et le personnel, qui inclut les produits de prêt-à-porter, l’esthétique, les bijoux, … Et ils n’ont pas été impactés de la même manière.
L’expérientiel, avec la mise en place de règles contraignantes pour la mobilité, a été beaucoup touché et a dû se relocaliser. Le personnel a pu trouver d’autres canaux de distribution comme la vente en ligne.
A l’annonce des premiers confinements, les frontières se sont fermées, les avions se sont vidés, les plans de chacun pour aller vers d’autres horizons ont été annulés. Pour le tourisme, les mois suivants sont rapidement devenus très mornes. Mais cela a donc laissé de la place pour d’autres dépenses et d’autres types d’évasion.
L'immobilier et les voitures : pour des besoins d’espace
Le secteur immobilier a été une valeur refuge. Les confinements ont donné à chacun des envies d’espace et de confort. Des cadres de vie prestigieux ont été recherchés à Paris et en province. Les ventes de biens d’une valeur de plus de trois millions d’euros ont augmenté. Le très luxueux a été recherché et des régions comme la Bretagne, le Centre-Val de Loire ou la Provence ont vu les ventes de demeure de prestige augmenter de 130 % pour la première et de 115 % pour la seconde.
A l’image de l’immobilier, les voitures à forte valeur, celles à plus de 200 000 euros, ont vu leur transaction grimper en flèche. Notamment en Asie, où les jeunes voient l’automobile comme un symbole de prestige social fort. Des marques comme Ferrari, Lamborghini et Rolls-Royce ont connu des progressions à deux chiffres.
Plus difficile pour le prêt-à-porter, malgré les consommateurs chinois
Pour des produits de luxe, plus accessoires et plus personnels, la baisse a été importante. Par exemple, l’habillement et l’horlogerie ont connu une diminution des ventes de plus de 30 % au niveau mondial. La joaillerie a tenté de résister, mais va devoir tout de même se réinventer, car le e-commerce pour ce type de produit ne fonctionne pas encore de manière fluide : ce secteur a besoin de boutiques ouvertes.
Et ce fut le cas notamment en Chine. Ce pays, qui a connu le premier confinement, a vu, dès le début d’année, ses boutiques fermer dans certaines régions. Mais elles ont pu être de nouveau ouvertes, assez rapidement, et cela a contribué à limiter la chute des ventes notamment pour les vêtements et les accessoires. Des baisses, entre 25 et 35 % ont été observées dans toutes les régions du monde : la Chine, avec des chiffres positifs fait donc figure d’exception. Certains pans, tels que le prêt-à-porter et les chaussures, ont même connu des hausses de plus de 50 % !
Les consommateurs chinois ont contribué à amortir le choc de demande qui a caractérisé cette année. Le risque d’effondrement était très important et la Chine a vu au même moment le chiffre d’affaires du secteur augmenter de 45 % au sein de ses frontières. Ce pays, dont l’économie se porte bien, connaît des phases d’accélération qui profite à un marché mondialisé.
Après des premiers mois très difficiles, un confinement très strict dans certaines régions et la crainte de voir la pandémie se propager à des villes très peuplées, consommer a été un peu comme un acte de vengeance pour conjurer le sort de la part des Chinois. Et ces achats revanchards ont permis à ce géant économique de poursuivre une croissance déjà accélérée par rapport aux autres régions du monde. Le trou d’air du premier trimestre a donc réveillé le désir chinois qui en boutique a pu être assouvi dans d’importantes proportions.
Une place pour le digital
Les boutiques sont fermées ? Les populations sont confinées ? Cela ne devra plus être un frein à la consommation de produits de luxe.
Avant les nouvelles technologies faisaient peur, car elles ne semblaient pas en mesure de reprendre les codes de ce qui est raffiné et prestigieux. Mais aujourd’hui, alors que 75 % des achats sont influencés par un canal digital, elles vont devenir incontournables.
Au cours de l’année 2020, la part de ce qui a été vendu en ligne a été multipliée par deux. Et pour 2025, le commerce en ligne devrait devenir le canal de distribution préféré. La digitalisation s’est accélérée dans de nombreux domaines et le luxe n’y a pas échappé.
Certains achats semblent néanmoins encore complexes à effectuer de manière totalement digitalisée, l’horlogerie par exemple semble nécessiter une expérience client en magasin.
Donc la disparition des boutiques n’est pas à prédire. Il va alors falloir trouver un équilibre, et une complémentarité, entre les lieux de vente physiques et les lieux de vente virtuels.
Les plus optimistes prédisent déjà des chiffres positifs pour le marché du luxe dès cette année. Et un retour à la normale, c’est-à-dire au niveau des données de 2019, dès 2023. Mais pour quel modèle de normalité ?
Un nouvel état d’esprit
Les dépenses en 2020 ont été beaucoup plus locales. Deux effets pour expliquer cette tendance : les dépenses de voyages se sont reportées sur d’autres dépenses, pour des produits plus personnels, et les boutiques européennes et américaines ne pouvaient plus être prises d’assaut par les consommateurs asiatiques, ils ont donc acheté chez eux. La consommation intrafrontalière a pris de l’importance et c’est une forme de relocalisation qui s’annonce comme une tendance.
Et ce n’est pas la seule.
Federica Levato, de chez Bain & Company, annonce : « … nous ne parlerons plus de l’industrie du luxe, mais du marché de l’excellence culturelle et créative des insurgés ». Il va donc falloir changer sa façon de penser et mettre en œuvre toute l’innovation dont les créateurs sont capables afin de répondre aux demandes des consommateurs via de nouveaux canaux de distribution.
Des nouvelles règles du jeu
Mais que veulent-ils, ces « insurgés » dont nous parle Federica Levato ? Plus de justice, des comportements éco-responsables, de l’inclusion et une considération pour la diversité ! Les millénials et la génération Z sont dans la place. Ils voient en plus le poids de leur part grandir et vont donc être une cible pour les marques qui vont devoir apprendre à jouer avec les nouvelles règles.
Les milléniaux et les Z aiment les éditions limitées et les produits personnalisés. Ils ont des valeurs qu’ils veulent retrouver dans leurs produits et seront donc sensibles à la démarche engagée des créateurs. Les propositions qui leur seront faites vont donc devoir avoir une histoire et trouver un sens.
Pour l’anecdote, LVMH, le groupe Moët Hennessy Louis Vuitton, numéro 1 sur le marché du luxe, a fourni l’AP-HP en gel hydro alcoolique au cœur de la crise sanitaire lorsque les ressources manquaient. Et cela est une initiative appréciée des consommateurs, qui souhaitent voir les marques prendre ce genre d’initiatives. 60 % des consommateurs interrogés jugent particulièrement nécessaires l’engagement des organisations dans un soutien à la crise sanitaire traversée actuellement et une assistance aux personnels soignants.
La création de valeur est donc à repenser : le modèle économique des organisations concernées va devoir être revu.
Le seconde main : un modèle à penser
Le marché de la seconde main semble par exemple offrir de belles perspectives et peut être une des pistes à explorer.
Plus de la moitié des clients se déclarent prêt à acheter des produits d’occasion, mais avec un besoin de garantie de la part des fabricants. Afin de prévenir le risque de produits contrefaits, les consommateurs souhaiteraient acheter ces produits second hand directement auprès des fabricants ou au moins avec une certification de leur part afin d’en garantir l’intégrité. Ce choix, d’acquérir des produits d’occasion s’inscrit dans une consommation responsable pour des consommateurs prêts à vivre de nouvelles expériences. Les fabricants vont donc devoir prendre part à cette nouvelle économie, car le marché est concurrentiel.
Selon le dictionnaire Larousse, le luxe était le caractère de ce qui est coûteux et somptueux. Cette définition va devoir se doter de nouveaux qualificatifs dans les années à venir parce que le luxe va devoir devenir plus complexe pour continuer à plaire à son public.
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