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Point de vue

LES NOUVEAUX HABITUÉS DU MARCHÉ

Au marché des Arceaux, à Montpellier, alors que le jour n’est pas levé, courges, radis noirs et potimarrons fraîchement récoltés s’affichent sur les étals en star des produits d’hiver. Il est 8h, et en face, l’enseigne d’un Vival s’illumine, le rideau de fer se soulève et tomates, concombres et poivrons descendent les allées à la rencontre des clients. « C’est pratique, il y a de tout ! confie Amaury, les cheveux noirs bouclés en bataille : « on peut y acheter tout ce qu’on veut ». Finies les saisons, le supermarché invente l’été perpétuel. Mais cette disponibilité illimitée tend à rompre le lien entre l’Homme et la nature et à faire disparaître cette diversité de produits que la France connaît.

"Un supermarché, ça n'a pas d'âme, il n'y a rien de vivant."

Dés la première heure, les habitués accueillent les commerçants ambulants dans l’espoir de dégoter les meilleurs ingrédients souvent dérobés par les chefs cuisiniers de la ville partis en sainte quête pour leurs restaurants. Puis, se sont ensuite les jeunes parents, profitant du samedi ensoleillé pour épanouir les sens des petits et remplir leurs garde-mangers. Enfin, vient le tour des jeunes adultes, frémissant à la découverte d’un El Dorado culinaire les sauvant de la platitude existentielle des supermarchés. C’est que : « Un supermarché, ça n’a pas d’âme, il n’y a rien de vivant. On s’ennuie, c’est long. » déclare Amélie, toute pomponnée de maquillage rose, avec ses deux copines. Alors qu’un marché à côté, c’est vivant, il y a de la musique, des artistes, et comme le dit si bien Laurina, derrière les fourneaux à farçous et cuillère à la main : « il y a le contact humain, celui avec les producteurs et les clients, et puis on est dehors, il fait bon ».

La réputation d’un marché repose sur ses étals, que ce soit un agriculteur, un producteur, ou des revendeurs, la production locale est à l’honneur. En France, les huiles d’olives locales comme celle du moulin de l’Olivette, juste à côté de Montpellier, sont proposées par centaines sur les marchés, selon la région, chaque année. Il y a en pour tous les goûts, du plus épicé au plus sucré, et ceux qui n’en sont pas friands pourront se laisser tenter par de francs vins régionaux des côtes du Larzac ou du miel de la Dourque. En tout cas, pour Guillaume qui fréquente les marchés depuis cinq ans. « le manque de lien avec l’agriculture et la déconnexion avec le vivant était insupportable. » Lui qui ne jure que par le marché explique : « J’ai l’impression d’être proche du produit et des producteurs désormais ». Un savoir vivre des commerçants ambulants qui relève l’amertume des supermarchés. Pour Clara, les yeux bleus et un châle blanc sur les épaules, « au supermarché, il y a trop de chose, ils ne travaillent pas forcément avec les producteurs du coin, au marché on a l’impression de faire fonctionner l’économie locale ».

"Aujourd’hui, on aurait besoin de supermarchés qui pensent au bien être du vivant. »

Et si le local plaît, c’est parce qu’il peut être conjugué au bio. Pour Léonie, lunettes au nez et sac en jute à la main, le respect de la nature est nécessaire : « c’est essentiel, surtout que je suis étudiante en agro-économie ». Elle explique que les agriculteurs locaux respectent, produisent en bonne conscience et que : « Les supermarchés devraient s’adapter aux différents besoins de la société. Aujourd’hui, on aurait besoin de supermarchés qui pensent au bien être du vivant ».

Les jeunes sont sensibles à l’écoresponsabilité de leurs actes et le marché a tous les atouts pour y répondre, d’où sa nouvelle popularité chez les pratiquants du mouvement zéro déchet, visant à réduire le gaspillage de ressources et la quantité émise de polluants. Ainsi, pour la fervente pratiquante qu’est Maéva : « emballer dans du papier plastique, c’est non. » rigole t’elle, avec un tote bag à la mode rempli de légumes pour la semaine à son épaule. Mais ce n’est pas son unique raison. Pour elle : « L’augmentation des prix est désastreuse au supermarché, pour les mêmes produits, petits à petits ça grimpe et on est clairement pas logé tous à la même enseigne. » Pourtant, en France, la hausse du coût du panier alimentaire au supermarché ne se mesure qu’à hauteur d’1,4 % sur l’année 2021, selon l’INSEE. Un chiffre qui n’effraie pas mais qui démontre déjà les prémices de difficultés à venir.

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