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Analyse

Côte d’ivoire : Que vaut la grâce accordée à Gbagbo ?

 Dans un discours à l'occasion du 62e anniversaire de l'indépendance de la Côte d’ivoire, le Président de la République a annoncé la levée des sanctions contre son prédécesseur : « J'ai signé un décret accordant la grâce présidentielle à M. Laurent Gbagbo ». Alassane Ouattara a également fait savoir « qu'il soit procédé au dégel de ses comptes et au paiement de ses arriérés de rentes viagères ». Quoique définitivement acquitté des accusations de crimes contre l'Humanité, par la Cour Pénale Internationale, Laurent Gbagbo était toujours sous le coup d’une condamnation. Cette fois en Côte d’ivoire. Il y écopait  20 ans de prison pour « braquage » de la Banque centrale des États d'Afrique de l'Ouest , pendant la crise post-électorale.

   En outre, le chef de l’Etat a également indiqué avoir accordé « la libération conditionnelle » à deux figures de l'appareil militaire et sécuritaire de l’ancien régime. Le vice-amiral Vagba Faussignaux, et le commandant Jean-Noël Abéhi, avaient été  condamnés pour leur rôle dans la crise de 2010-2011. 

     D'après Alassane Ouattara, ces levées de sanctions trouvent leur motivation  « Dans le souci de renforcer la cohésion sociale ». Elles ont par ailleurs été précédées par une tripartite avec ses prédécesseurs Henri Konan Bédié et Laurent Gbagbo. Le but des retrouvailles du 14 juillet au palais de la Présidence de la République avait été communiqué à l'issue d’un échange d’un peu plus d’une heure entre les 3 hommes. Lue par Laurent Gbagbo, la brève commune stipulait que  "La rencontre de ce jour a été une rencontre de retrouvailles pour renouer le contact et échanger dans la vérité".    

 

Gbagbo avait-il besoin d'être gracié ?

C’est dans l' affaire du braquage de l’Agence nationale de la Banque centrale des Etats de l’Afrique de l’ouest (BCEAO) et de plusieurs banques commerciales que l'ex-chef de l’Etat ivoirien a été condamné. Avec lui, deux de ses anciens ministres. Le 18 janvier 2018, les trois prévenus écopent de 20 ans de prison et d’une amende de 329 milliards de fcfa d'amende à la fin d’un procès qui a débuté en juillet 2015. Le jugement rendu par défaut avait été contesté par la cheffe du cabinet de Laurent Gbagbo. Me Habiba Touré avait dénoncé la procédure inquisitoire du procès contre son client. Cette dernière, plutôt que la procédure accusatoire, ne garantit pas une défense des droits du mis en cause. Laurent Gbagbo a toujours nié sa culpabilité lors de ses sorties médiatiques à ce sujet et affirmait qu’il ne se reprochait de rien. Pour son avocate, sa condamnation dans cette affaire avait des allures politiques et  relevait « d’une manœuvre pour l’empêcher de rentrer au pays. Quoi qu'il en soit, Laurent Gbagbo n’a jamais fui aucune justice », avait-elle alors déclaré dans un média international.   

‘’ La bonne grâce’’ de Ouattara remise en cause

En dépit de la grâce présidentielle accordée à Laurent Gbagbo et à ses deux partisans, des airs de crispation politique continuent de polluer l'environnement socio-politique. C’est du moins le sens accordé aux propos de Roger Dakouri. 2 jours après l’annonce du président de la République, le juriste confie dans les colonnes du journal Le Temps, le goût inachevé  de la mesure présidentielle. « On pensait qu'il allait libérer tous les prisonniers civils et militaires.» Soupçonneux, Roger Dakouri estime que le chef de l’Etat a affiché par cet acte, sa mauvaise foi en faveur du processus de réconciliation nationale. Il dénonce contre Ouattara « une absence criante et injustifiée de volonté à aller résolument à la réconciliation ».

     Pour des partisans de Laurent  Gbagbo, la grâce présidentielle n’est pas une mesure à saluer. Le véritable processus de réconciliation nationale ne saurait être  enclenchée sans la libération de tous les acteurs incriminés et  emprisonnés lors de la crise post-électorale. 

       De plus, la grâce plutôt que l'amnistie ne ferait pas les affaires de Gbagbo dans le cadre d’une élection présidentielle. Sur le plan juridique, sa candidature pourrait bien être rejetée pour défaut de légalité. Ses partisans entrevoient dans la démarche de Ouattara une manœuvre orchestrée à dessein. Ce, d’autant plus, commentent quelques-uns, sur  les réseaux sociaux que se rapprochent les élections présidentielles de 2025 en Côte d’Ivoire.  

   Même si dans l’opinion, la grâce accordée à Gbagbo constitue un signe d’apaisement, l’absence de ce dernier lors de la célébration du 62e anniversaire de l'indépendance de la Côte d’ivoire, a fini par semer le doute, relevé par divers médias. L'ancien président ivoirien Henri Konan Bédié n’a pas non plus, personnellement rejoint Ouattara dimanche dernier, dans la tribune officielle de Yamoussoukro.         

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