Majorité parlementaire au Sénégal : Vers une débâcle historique du camp présidentiel.
Les résultats provisoires du scrutin législatif augurent la perte de la majorité absolue par ses détenteurs séculaires. Confronté au dynamisme de l'alliance de l’opposition sénégalaise, le camp présidentiel enregistre pour l’heure 82 sièges contre 80, pour ses adversaires. En attente du verdict final, le scrutin du 31 juillet mettrait fin au règne presque sans partage du camp présidentiel, au sein de l'assemblée nationale.
Perte de vitesse inédite pour le camp présidentiel au Sénégal. À l'issue des élections législatives du 31 juillet, la coalition du président Macky Sall aurait perdu sa majorité absolue. Même si le décompte des voix est toujours en cours, la proclamation des résultats provisoires du 4 août par la Commission Nationale de Recensement des Votes laisse d'ores-et-déjà, observer dans le camp présidentiel, un basculement de 125 à 82 députés, sur les 165 que compte l'Assemblée nationale sénégalaise. Une défaite qui s’annonce historique puisqu’ en 62 ans d’indépendance du Sénégal, aucun parti au pouvoir n’a jamais perdu sa majorité absolue. Pour faire passer ses lois, le camp du président Macky Sall serait bien obligé de s'appuyer sur d'autres forces. Ce qui n’était jadis qu’un vœu formulé par l’opposition sénégalaise en faveur d'une plus large cohabitation parlementaire, se peaufine très clairement.
La stratégie de l’opposition
Avec provisoirement 80 sièges de députés à l'assemblée nationale, la stratégie de l’opposition sénégalaise semble porter ses fruits. Déployée depuis les élections locales tenues en janvier dernier, l'opération a consisté pour les figures de l’opposition, à prendre le contrôle de grandes circonscriptions. D'après les résultats de la Commission Départementale de Recensement des Votes, la coalition de l'opposition YAW avait pris le contrôle de 12 communes sur les 19 que compte la capitale sénégalaise.
El Malick Ndiaye, déclarait d’ailleurs que c’est à l’issue des élections municipales que « des mairies très importantes comme Dakar, Thiès, Diourbel… ont été acquises. Le vice-président de la coalition formée par Yewwi Askan Wi (YAW) estime à près de « 60 % le poids électoral senegalais représenté par ces grandes villes ».
Par ailleurs, le thème de l’inflation aurait également pesé de son poids lors de la campagne électorale pour les législatives . Selon l’Agence Nationale de la Statistique et de la Démographie (ANSD), en un an, l’inflation a atteint le seuil de 8,9 % au mois de juin. Pour juguler ses effets dans la vie des sénégalais, Ousmane Sonko, l’une des figures de la coalition d’opposition Yewwi Askan Wi, avait promis un ensemble de mesures visant à réduire la cherté de la vie. Au rang de ses projets de loi envisagés, la mise sur pied d’un fonds spécial d’appui pour les familles vulnérables ou encore le versement de subventions pour des produits et services de consommation.
Législatives 2022 au Sénégal : Une élection qui en cache une autre
Avec un taux de participation de 47 %, près de 7 millions de Sénégalais étaient attendus dans les bureaux de vote pour le renouvellement des 165 sièges à l'Assemblée nationale. Malgré le constat d’une faible participation à cette échéance, elle avait valeur de test en prélude aux présidentielles de 2024 . Un pari qui est loin d'être gagné au vu des accusations de fraudes massives brandies par l’opposition. En dépit de son coude à coude avec le parti au pouvoir, l'alliance formée avec l’ancien président sénégalais conteste ces résultats provisoires. Un « bourrage d’urnes » et des « procès-verbaux préfabriqués à Matam Kanel ou encore à Podor sont dénoncés . Ces localités sont des bastions du Président Macky Sall. Lors d'une conférence de presse Déthié Fall, le responsable de l'alliance formée par les coalitions Yewwi Askan Wi et Wallu Sénégal, que dirigent respectivement le principal opposant, Ousmane Sonko et l'ex-président Abdoulaye Wade, a fait cette annonce : « On demande au président de la Commission nationale de recensement des votes (CNRV) de suspendre la publication des résultats prévue demain [jeudi] pour nous permettre de relever toutes les irrégularités que nous avons notées dans les procès-verbaux ».
Si ces irrégularités venaient à être reconnues, elles feraient d’ores et déjà, ombrage à la bonne tenue des présidentielles à venir. Avant même la proclamation des résultats définitifs, pouvoir et opposition revendiquent chacun la victoire. Au beau milieu de ces victoires autoproclamées, certains observateurs croient savoir que le véritable enjeu de cette élection porte sur la candidature du président sortant aux présidentielles. La précampagne y a déjà laissé sur le carreau, au moins 3 morts issus des protestations contre le rejet de la liste nationale présentée par Ousmane Sonko.
Le flou entretenu sur les intentions électorales de Macky Sall se dissipera peut-être avec les résultats définitifs de son camp. Ousmane Sonko, parlant des législatives avait affirmé que si ‘’Macky Sall les perd , il ne parlera plus de troisième mandat". Et ce, bien qu’ une révision de la constitution sénégalaise depuis 2016 limite à deux, le nombre des mandats présidentiels. En juin 2022, dans une interview accordée à Jeune Afrique, Macky Sall avait lui-même affirmé au sujet de son avenir politique à la tête du Sénégal qu’il lèverait le voile sur la question, après les législatives : « Il sera alors temps de fixer le cap pour 2024. ». Quoiqu’il en soit, la perte de la majorité absolue de son camp aux législatives du 31 juillet, serait révélatrice en politique, d’un rapport de force au Sénégal. Les présidentielles de 2024 dans ce pays de l'Afrique de l’Ouest, pourraient bien davantage confirmer cette nouvelle cartographie politique dans ce pays de l'Afrique de l’Ouest.
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