L'injonction moderne à « être soi-même » en public à offert à Pécresse une brutale et gênante rencontre avec son plafond de verre : elle-même. Au milieu des rires du public, la malédiction de Fillon semble enclenchée. Le ridicule tue ces gens de droite dès qu'ils s'exposent, car ils sont parfaitement incohérents. Nos ex-gaullistes, blanchis au chiraquisme, javélisés au sarkozysme, sont aujourd'hui le monde de la globalisation financière et se rêvent en même temps la France versaillaise de La Manif pour tous. Mais ce faisant leur effondrement — celui d'abord moral de la France traditionnelle, le grand remplacement de ses valeurs collectives par le profit personnel maximisé (d'où cette obsession sur les droits de succession) — est aussi un peu l'effondrement collectif. Nous rions, mais c'était cette France gaulliste, catholique, qui tenait la baraque France discrètement. Elle ne tient plus nerveusement, que le compte de ses profits, immobiliers et boursiers, sans cesser de se prendre pour la France Eternelle. Le seul en scène mêlant dans une même énarque Jeanne d'Arc et l'Avare garanti son succès comique. Dans les urnes, ce sera plus difficile.
Comme on l'a vu dans la Saison 2017 de la Présidentielle, cette hypocrisie, autant nommer les choses par leur nom, fût cause de l'effondrement de Fillon, par ailleurs solide, déterminé à défendre l'indépendance de la France et bien préparé. Promettre de ressusciter la grandeur du Général, en se vendant, sous nos éclats de rire, pour un costume gratuit, a propulsé au pouvoir un libéralisme sans surmoi de Macron. C'est tout une noblesse d'Etat qui a plus de sens de l'Etat qui est mis à jour. Tout ce qui est notre commun bien peut être vendu à des énarques-commerciaux, qui font l'aller le retour entre privé et public et signent les décrets officiels de leurs propres chèques de ristourne ou de celui de leurs conjoints. A l'image d'un... Mr Pécresse à la fois, avec Macron pour l'abandon du fleuron de notre industrie Alstom et, nous apprend encore Le Canard Enchaîné, bénéficiaire des stock-options ? Pendant que son épouse propose sans rire sur scène d'obliger les gens au RSA au travail forcé. Par exemple les ex-ouvriers d'Alstom pour les punir d'avoir enrichi les Pécresse des bonus de la destruction industrielle ? Dans son discours cela donne « Je dénonce cette folie d'un pays sans usine (étranglement, verre d'eau). On rit toujours, mais jaune.
Derrière les rires du public, quel sera l'effet domino ?
Aujourd'hui, le seul en scène pathétique - seule, si seule... pauvre petite fille riche - de Pécresse, nous fait rire aux éclats au rythme des battements de paupières de candidate à la gloire de télé-réalité, mais sa disparition aura également des conséquences.
Du côté des candidats libéraux, on se lèche les babines. Outre le président sortant, Emmanuel Macron, qui serait le grand bénéficiaire d'une faillite de LR et conforterait sa position d'archi-favori en récupérant nombre de ses élus et sa majorité libérale-globale (sans cesser de pouvoir forcer la main aux restes de la gauche-castor comme « seul rempart » contre le nationalisme); Eric Zemmour, qui a considérablement libéralisée son image nationaliste, verrait sa côte monter à proportion puisqu'il est déjà le second choix de près de la moitié des LR, l'aile nationaliste de Ciotti et du coup mettrait la barre de la qualification très haut pour ses concurrents.
Ces deux autres larrons, « les populistes », ou du moins qui ont un électorat populaire, feraient donc les frais de cette meilleure cohérence des libéraux. Ne serait-ce que parce que l'affaiblissement d'un des quatre postulants au débat de second tour face à Macron élèverait mécaniquement la barre de qualification de 15% à 19%...
Entre chats et loups, voilà que Marine Le Pen, candidate d'un nationalisme social, que sa quête de dédiabolisation du sulfureux héritage paternel a mené à un statut de protectrice, d'assistante sociale d'une France oubliée, suscite elle-même la compassion — un comble à l'extrême-droite; entre ses confidences émouvantes de petite fille réchappée d'un attentat et les multiples trahisons des durs de son parti, de sa blonde nièce et de Zemmour, longues dents, et courtes dagues... L'affaiblissement de Pécresse, éloignerait l'ex-numéro 2, de ce fameux « second débat de second tour », le débat « du rachat » tant désiré et redonnerait à l'inverse, du poil à ses rêves d'éleveuse de félins.
L'autre victime serait bien sûr Mélenchon, ultime rescapé de feu la gauche, déjà très amoindri par son image communautariste et les soupçons de faiblesse avec l'islamisme (lui qui fait pourtant de l'urgentissime, de la brûlante réforme, l'explosive réforme, l'inflammable réforme du statut de l'Alsace-Moselle, la priorité de son action laïque), quand le coeur du débat de la présidentielle porte à l'inverse sur la cohésion de la nation et l'identité de la France. Il ne compte pourtant déjà plus que sur son talent de finisseur et la... chance en politique (le fameux « trou de souris » théorisé par la tortue créolisée) pour laisser dans l'Histoire, une place de second... Loin de ses ambitions de 2017 d'être le premier.
Les numéros de clown de l'ex-droite sarkozyste, s'ils cachent quelques naufrages, semblent donc nous assigner à un second tour Zemmour Macron qui effectivement ne manquerait lui, ni de piquant, ni de spectaculaire. Si la politique française n'est plus qu'un divertissement télé entre ultra-libéraux, identitaires ou globalistes... fiction sans doute plebiscitée par les Français pour son décalage avec leur quotidien de spectateurs appauvris et angoissés.
Mais Boudiou, que cela fait cher de l'abonnement avec réengagement sur cinq ans !
Langlois-Mallet
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