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Point de vue

REFORME DES RETRAITES : LE 49.3, GLAS DU QUINQUENNAT ?

En choisissant de mettre en œuvre le 49.3 afin de faire passer la loi sur la très controversée réforme des retraites, Emmanuel Macron, par la voix de sa première ministre Elisabeth Borne, a aussi choisi de ne pas écouter le peuple. « Ne pas céder à la rue », un leitmotiv dans la bouche de tous ceux qui veulent encore nous faire croire qu’ils agissent dans l’intérêt du peuple souverain. Certes, Emmanuel Macron a été désigné par les urnes en 2022 pour exercer à nouveau la mandature suprême, mais il conviendrait qu’il se rappelle un tant soit peu que c’était moins pour son programme pour la nation que pour faire barrage au Rassemblement National et à sa candidate Marine le Pen. Comme Jacques Chirac avant lui qui s’est un jour targué d’une écrasante majorité face à Jean-Marie le Pen en 2002, il a oublié cette réalité et mené une politique dangereuse en ce qu’elle creuse encore les inégalités, fragilise les plus précaires et n’aboutit qu’à renforcer les crispations, attiser la colère, et fracturer encore un peu plus notre communauté nationale. Pourtant, Emmanuel Macron le disait en 2022, quelques minutes après sa réélection : « Je sais ce que je vous dois » mais également « Je sais aussi que nombre de nos compatriotes ont voté ce jour pour moi, non pour soutenir les idées que je porte mais pour faire barrage à celles de l’extrême droite. Je veux ici les remercier et leur dire que ce vote m’oblige pour les années à venir ». Des mots forts qui permettaient d’espérer un changement de cap, et peut-être le retour d’une volonté de sa part de faire de la politique autrement.

Que reste-t-il, moins d’un an après cette belle déclaration, de cette obligation morale qui de l’aveu même d’Emmanuel Macron l’engageait politiquement ? A l’heure du passage en force de la réforme des retraites, et ce à toutes les étapes de son chemin législatif, force est de constater que cette proclamation du 24 avril 2022 n’était que de circonstance, et que celui qui se réclamait alors être « le président de tous », ne sait pas, ne veux pas écouter son peuple. Aux 70% de français opposés à cette réforme et au report de l’âge légal de départ à la retraite, il répond par l’emploi d’artifices constitutionnels tels le 47.1, l’article 38 avec pour bouquet  final un 49.3 douloureux pour toutes et tous. Douloureux, car cette victoire à l’arrière-goût de défaite, obtenue aux forceps par un gouvernement qui a bien failli chuter en ce lundi 20 mars, lors du vote de la motion de censure du groupe LIOT, aura, à n’en pas douter de lourdes conséquences sur le plan politique. En effet, au-delà de renforcer les oppositions à son égard, Emmanuel Macron court le risque non négligeable de ne plus être en capacité de porter désormais autre chose que des micro-réformes. Peu aidé, on a pu le constater, par des alliés Les Républicains tentés par la voie de la mutinerie et de la dispersion, il lui sera désormais difficile de tabler, en toute sérénité, sur leur coopération pour porter ses projets de loi futurs. Une équation infernale à n’en pas douter pour le Président de la République qui ne pourra pas faire du 49.3 un mode de gouvernance, celui-ci n’étant admis que dans le cadre du vote des textes budgétaires avec un bonus d’un autre texte par session parlementaire. Cela laisse peu de marge de manœuvre à Emmanuel Macron, d’autant qu’il a rendu le 49.3 particulièrement insupportable aux yeux de la population et qu’il lui sera très compliqué de l’utiliser dans le futur pour faire passer un texte majeur.

Tous ces désagréments et ces sueurs froides à venir, Emmanuel Macron aurait pu se les épargner si son fil conducteur avait été celui de la transparence, de l’écoute, de la concertation et de la recherche de compromis. Ce temps, certes, aurait ralenti le processus législatif, mais aurait peut-être eu pour effet bénéfique de nous permettre de trouver ensemble des alternatives au report de de l’âge légal de départ à la retraite. Car tout bien considéré, et au vu du peu d’économies promises par l’adoption de la réforme des retraites, et donc, du faible signal  envoyé de ce fait aux marchés financiers, il aurait été sans nul doute plus sage d’essayer de trouver d’autres pistes d’économies à réaliser. Toutes fois, et comme le dit le proverbe populaire : « il n’est jamais trop tard pour bien faire », cette loi peut encore être retirée par le gouvernement, ce qui permettrait non seulement d’apaiser un tant soit peu la colère justifiée des français et  aussi d'éviter à Emmanuel Macron la sanction probable du Conseil Constitutionnel.

Sophie RENAUD

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