Fin d’exil inattendu pour Timan Erdimi et Mahamat Nouri ! Après des années hors du Tchad, leur retour est d’autant plus symbolique qu'il intervient à la veille de l’ouverture du dialogue national inclusif. Un retour peut-il en cacher un autre ? L’accord historique de Doha laisse croire que le rassemblement de samedi ouvrira la voie à l' ordre constitutionnel. Dans ses textes, il en a néanmoins posé les jalons et défini le processus. Le pays depuis la mort d'Idriss Deby Itno le 20 avril 2021 est dirigé par son fils. Mahamat Idriss Déby est le président du Conseil militaire de transition. C’est d’ailleurs entre une quarantaine de groupes environ et lui, chef de la junte, qu’a été signé le 8 août, l’accord de Doha au Qatar. Celui-ci favorise entre autres, la participation au dialogue national par toutes les factions. Quoique l’initiative pour leur retour ait été saluée par les deux hommes eux-mêmes, le parcours de Timan Erdimi et celui de Mahamat Nouri restent marquants au Tchad. C’est pourtant avec leur casquette de rebelles qu’ils seront assis à la table du dialogue national, comme tous les autres acteurs qui y prendront part.
« Je suis très content de regagner le pays après tant d'années d'exil».
Rien ne se défait dans le portrait de Timan Erdimi. Il reste l’homme auquel sont associées moult tentatives manquées de renverser le régime de son oncle et ancien allié politique, Idriss Deby Itno.
Outre leurs liens de famille, Timan Erdimi sera aussi politiquement proche de celui qui gouverna le Tchad pendant 30 ans. Seulement dès l’annonce d’un troisième mandat, Timan Erdimi s’insurge finalement contre Idriss Deby et s’emploie à le destituer. N’eut été les interventions françaises, le chef de l’UFR y serait peut-être parvenu avant la mort de ce dernier en avril 2021. C’est du moins ce qu’il en semble, après l'offensive de 2008 ou encore celle de 2019, avortée uniquement grâce aux avions de l’armée française. Condamné par contumace à une peine d'emprisonnement à perpétuité, il finit par prendre la route de l’exil. Pendant une dizaine d'années, il réside au Qatar. Ce, jusqu'à ce que l’armistice générale décrétée en novembre 2021 par son cousin et nouvel homme fort du pays, lui permette depuis jeudi matin de fouler à nouveau le sol tchadien. À 67 ans, Timan Erdimi, accueilli à l'aéroport de N’djamena par des proches, a exprimé la joie de son retour à l’AFP «Je suis très content de regagner le pays après tant d'années d'exil».
Mahamat Nouri, un autre habitué des terrains de batailles
En dépit de ses postures ministérielles d’antan, Mahamat Nouri, n’en est pas moins un rebelle. Bien au contraire, fin connaisseur des régimes de Hissène Habré et d’Idriss Déby, il est lui-aussi un habitué des terrains de batailles. Ses adversaires, il ne les cherchera d’ailleurs, jamais très loin de lui.
Ministre des Transports et de l'Aviation civile en 1982 sous Hissène Habré, il s'éloigne de son ancien allié après sa défaite et l'arrivée au pouvoir d'Idriss Déby Itno. En se ralliant au nouveau pouvoir de N'djamena, Mahamat Nouri hérite de plusieurs postes au sein du gouvernement Déby. Il y deviendra entre autres ministre des transports. Cependant, dans les années 2000, il se rebelle également contre le troisième mandat de celui dont il était devenu un proche collaborateur. Condamné à mort par la justice tchadienne, il quitte le pays. Après le Qatar, il se rend en 2011 en France. Pour des soupçons de crimes contre l'humanité dans des opérations de recrutements forcés des mineurs au Tchad et au Soudan, il est interpellé par la justice française. En mars 2022, le leader de l’Union des forces pour la démocratie et le développement est autorisé par la France à quitter son territoire. Direction, le Qatar afin d’assister au « pré-dialogue » entre la junte du Conseil militaire de transition et divers mouvements politico-militaires tchadiens.
À 79 ans, il participera fort probablement à l'ouverture du dialogue national inclusif, au milieu des 1.400 délégués attendus.Pendant 21 jours, le Tchad tentera de "tourner la page de sa transition". Car c’est bien lui, l’enjeu véritable des assises de samedi, auxquelles certains groupes rebelles ont refusé de prendre part.
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