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Point de vue

Une seconde indépendance pour le Congo-Kinshasa

Après vingt-trois années d’exploitation léopoldienne de l’État indépendant du Congo (1885 à 1908) et cinquante-deux années de régime colonial depuis 1908, le Congo belge accéda officiellement à l’indépendance le 30 juin 1960. En effet, l’ABAKO de Joseph Kasa Vubu ayant prôné la désobéissance civile dès le début de l’année 1959, les autorités belges interdirent la manifestation qui devait se dérouler le 4 janvier 1959. Par conséquent, armés de pierre dans les rues de Léopoldville actuellement Kinshasa, les partisans de l’ABAKO s’en prirent aux colons blancs avec un seul slogan « Dipanda, dipanda » dans l’optique de la souveraineté. Cela déboucha sur l’annonce du roi Baudouin, ayant exprimé la volonté d’accorder l’indépendance au Congo.

De Joseph Kasa Vubu à Laurent-Désiré Kabila

Durant la présidence de Joseph Kasa Vubu de 1960 à 1965, le Congo connut successivement les sécessions du Katanga en juillet 1960 à l’initiative de Moïse Tshombe et du Sud-Kasaï par la volonté d’Albert Kalonji. Le pays fut ensuite ébranlé par la rébellion armée des Simba à la solde de Pierre Mulele. Le territoire congolais ne cessa de s’exposer aux déstabilisations de la part des groupes armés au service de quelques acteurs politiques, à l’instar de Laurent-Désiré Kabila et de Nathanaël Mbumba. L’autorité, à la fois présidentielle et gouvernementale, fut contestée par le chef d’état-major de l’armée, Joseph-Désiré Mobutu, à travers une courte parenthèse des institutions. La récidive se matérialisa par un coup d’État militaire en 1965.

Le régime à parti unique et la politique de l’authenticité que prôna Mobutu s’exposèrent aux guerres du Shaba contre les Tigres katangais (1977 et 1978) et à celles de Moba (1984 et 1985) déclenchées par les hommes de Laurent-Désiré Kabila. En 1994, la Conférence nationale souveraine n’ayant plus cours, le pays s’enfonça davantage dans une crise sans précédent à cause de l’arrivée massive de réfugiés hutus ayant fui la répression au Rwanda après la victoire du Front patriotique rwandais (FPR) de Paul Kagamé. À partir de 1996, le succès de l’armée allouée à l’Alliance des forces démocratiques pour la libération du Congo, bras armé du FPR et de l’Uganda People’s Defence Force (UDF) représenté par Laurent-Désiré Kabila, sonna enfin les glas du régime mobutiste. La fuite de Mobutu la veille facilita l’entrée triomphale à Kinshasa, le 17 mai 1997, des kadogos, ces enfants soldats au service de l’ancien maquisard.
Le mercenaire Laurent-Désiré Kabila avait tout à coup surgi de l’ombre en septembre 1996 à l’issue d’une très longue existence de trafiquant de matières premières. S’étant d’office autoproclamé président de la République depuis Lubumbashi dès l’entrée à Kinshasa des kadogos armés, l’ancien maquisard maoïste surprit stratégiquement plus d’un observateur. Il sut déjouer le projet ayant consisté à mettre un pantin au pouvoir. Moins d’une année après l’accession à la magistrature suprême, le nouvel homme fort décida en 1998 de se séparer de ses encombrants alliés. Il prit la résolution de renvoyer dans leurs pays, en vingt-quatre heures, les officiers et soldats rwandais, ainsi qu’ougandais, qui encadraient ses troupes. Cette décision occasionna une tentative de coup d’État. Mais celle-ci avorta. Toutefois, en moins de temps, se mit en place une nouvelle rébellion dans l’Est du territoire national à l’initiative des officiers et des soldats des armées rwandaise et ougandaise. La guerre s’éternisa et son issue resta incertaine. La région du Kivu et l’Ituri se transformèrent en un immense champ de bataille. Le 16 janvier 2001, Laurent-Désiré Kabila fut atteint de quelques balles dans sa résidence à Kinshasa. Onze jours plus tard, Joseph Kabila serait investi président de la République.

De Joseph Kabila à Félix Tshisekedi

Confronté aux très puissantes pesanteurs de la realpolitik, Joseph Kabila fit une entorse au nationalisme lumumbiste en guise de gage à quelques officines et gouvernements occidentaux. Ainsi se plia-t-il au schéma postcolonial. Son successeur Félix Tshisekedi commettrait la même erreur en 2022 à l’occasion de la visite du roi Philippe de Belgique en déclarant que « [...] la porte d’entrée en Europe, parlant de l’Europe diplomatique, politique et des affaires, [serait] la Belgique. Si la Belgique [grondait], ou si elle [était] fiévreuse par rapport à la RDC, toute l’Europe la [suivrait]. » Avec la présidence de Joseph Kabila, ce fut l’enlisement quant à la stabilisation du territoire national. Le statu quo et la faiblesse diplomatique dans le concert régional et au-delà augurèrent un avenir incertain.
L’élection de Félix Tshisekedi aurait été le résultat d’un arrangement avec son prédécesseur. Que demandait le peuple, après tout ? D’aucuns ne souhaitaient que le départ de Joseph Kabila, et une transition pacifique. La realpolitik s’imposa in fine sur la vérité des urnes. Et la continuité assujettie dramatisa la situation dans l’Est du pays exposé au pillage des ressources naturelles et, sous le couvert du mouvement M23, à l’occupation durable par le Rwanda et l’Ouganda.

Nécessité d’une seconde indépendance

La première indépendance obtenue au détriment de la Belgique ne changea pas la situation du Congo-Kinshasa en matière de souveraineté, dès lors que l’implication des puissances occidentales s’était considérablement accrue sous une forme différente. Pis encore, à l’aide de quelques pays frontaliers et d’une complicité interne, l’emprise extracontinentale ne cessa de facto de cautionner des actions défavorables à la cohésion nationale et fatale à la stabilité territoriale. Devrait s’affirmer l’éveil de la conscience patriotique en vue de la seconde indépendance indispensable à l’insoumission étatique.

Bibliographie
Quelle destinée pour le Congo-Kinshasa, après un si long destin ?, Gaspard-Hubert Lonsi Koko, L'Atelier de l'Égrégore, Paris, 2022 ;
Le Congo déstabilisé, pillé, martyrise..., Gaspard-Hubert Lonsi Koko, L'Atelier de l'Égrégore, Paris, 2021 ;
Et alors, mon maréchal ?, Gaspard-Hubert Lonsi Koko, L'Atelier de l'Égrégore, Paris, 2021 ;

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