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Point de vue

Quand résilier est : se réconcilier avec le passé

La résilience  c'est  l'art de  naviguer dans les torrents.  Boris Cyrulnik

Aujourd'hui je consacre cet article à une notion souvent détournée de son sens premier.

La crise sanitaire lui redonne ses lettres de noblesse en démontrant notre capacité d'adaptation et nos capacités à faire face au changement. Toutefois  il n'en demeure pas moins que l'on ne peut parler de résilience  sans parler de traumatismes. 

Initialement, le terme résilier était  employé en sciences physiques pour désigner la résistance d'un matériau face à un choc. Par extension elle a été  adaptée en psychologie pour désigner   la capacité de résister aux chocs traumatiques et rebondir.

Boris Cyrulnik a rendu populaire ce concept dans les années 90 en reprenant les travaux que John Bowlby avait effectué dans les années 50. Depuis de nombreux auteurs se sont intéressés à cette notion et la définition s'est étendue à divers champs et domaines : physique, psychologie, écologie, informatique...

Boris Cyrulnik écrit: "Résilier c'est  réussir à vivre et se développer  positivement après un traumatisme, en dépit de l'adversité". 

Ma définition personnelle serait : C'est la capacité d'une personne à modifier ses schémas cognitifs , émotionnels  comportementaux, et relationnels en s'appuyant sur un environnement étayant et ce afin de se reconstruire et batir de nouveaux projets.

Mais pour celà, il est nécessaire de posséder ou développer des ressources pour se relever des chocs. Pourtant, chaque être humain né avec une capacité innée de résilience.Oui, il existe en chacun de nous cette capacité de se développer et de croissance, la preuve étant chaque mois le bébé évolue. Certes,tous les humains ont le pouvoir de se transformer voire modifier leur réalité, à condition de trouver en eux et autour d’eux des éléments qui permettent de développer la capacité de résilier. Encore faut-il pouvoir l'acquérir et la renforcer en la recevant!

Nous allons donc nous intéresser aux facteurs de résilience en question. Bonne nouvelle, il n'existe pas un facteur mais des facteurs de résilience!

Les habilités de la résilience  proviennent de deux sources: de la famille, mais aussi de l'environnement social et culturel ce qui en soit est encourageant car plurifactoriel. Nous possédons  également des outils de résilience qui sont issus de nos forces individuelles. Celles-ci nous permettent de faire face au changement, de s'ajuster et apprendre de l'expérience vécue. 

Pour exemple les facteurs individuels et traits de caractère étudiés qui aident à résilier sont:

* la capacité à résoudre des problèmes  et chercher des solutions

* le sens de l'initiative qui permet de se projeter, rester actif,tisser du lien social, se fixer des buts...

* la créativité qui permet de penser autrement le monde et son environnement

* l'humour 

* l'éthique c'est notre conscience du bien et du mal

* la gratitude, la bienveillance, l'optimisme.... 

Je rajouterais la force vitale qui entretient la flamme du désir de vivre ainsi que l'insoumission face à l'inacceptable qui permet de garder un esprit critique face aux horreurs que ce soit concernant les traumatismes de guerre, ou les traumatismes en lien avec des actes de maltraitances, de violences de tout ordre. L'insoumission  constitue  le refus d'être condamné au malheur.

Quels sont les facteurs familiaux? 

Nombreuses sont les études sur le développement de nos attachements qui affirment que plus l'enfant grandit dans un environnement où il reçoit amour, présence, securité et satisfaction de ses besoins fondamentaux plus son réservoir à ressources sera rempli et plus le futur adulte pourra se préserver, se proteger, trouver des étayages lors des épreuves de vie.

Malheureusement quand l'enfant ne peut bénéficier d'un environnement sécure, prévisible, aimant, protecteur sa capacité à résilier peut s'en trouver  affectée et impacter sur son estime, la confiance en son environnement, sa capacité d'agir. La famille est le noyau central de nos apprentissages, de nos étayages affectifs et sociaux, il en  découle nos croyances, nos comportements, notre vision du monde ainsi que la perception des autres.

Plus l'enfant expérimente cohésion,  solidarités, entraides familiales plus il intègre les ressources fondamentales,  créatrices sur lesquelles il pourra s'appuyer en cas de détresse pour élaborer et métamorphoser le traumatisme. 

Quand ses premières interactions n'ont pu se mettre en place de façon  satisfaisante, le développement des ressources de résilience sera freiné, impacté. La sécurité, la protection n'ont pu être intégrées, modélisées,  alors s'en suit une désorganisation psychique. Pour survivre la personne va mettre en place des mécanismes de défenses protecteurs à l'image du déni, du clivage, ou des comportements aggressifs... qui  hélas peuvent  constituer de véritables blocages dans la relation à soi et aux autres et entraver son épanouissement. "quand la mémoire  ne sert qu'à retenir la blessure, elle empêche la résilience"

Fort heureusement le passé ne nous détermine pas, et à tout âge nous pouvons apprendre à prendre soin de nos blessures avec amour, tendresse et présence. A cet effet,de nombreuses études démontrent  que les enfants guérissent quand ils bénéficient d'un espace d'accueil, de soutien. Il en est de même avec l'adulte blessé qui peut bénéficier de véritables tuteurs de résilience que sont les psychothérapies. Effectivement,  l'écoute bienveillante répond à un besoin fondamental d'être entendu, reconnu, de mettre en mots l'indicible,  l'innomable en libérant la parole. A titre d'exemples, la thérapie EMDR permettra de cicatriser les traumatismes, l'art thérapie participera à la sublimation du traumatisme au travers d'un médiateur que ce soit par l'écriture élaborante, la peinture.... Au final, l'essentiel est de libérer les corps, et permettre d'exprimer tout ce qui est resté imprimé à l'intérieur de soi.  Preuve étant bon nombre de traumatisés chroniques utilisent des mécanismes  de défense  que je nommerais"adaptatifs" pour sortir de l'épreuve que sont: l'altruisme, l'humour, la créativité qui faciliteront leur résilience, une belle façon d'exorciser les épreuves. La vie aussi offre des rencontres cadeaux qui représentent  des appuis, du bon lien, du soutien essentiels pour maintenir espoir. Par ailleurs,nous avons tous une figure ressource modèle qui nous inspire par ses valeurs, ses forces de vie et qui nous servent de guides et nous  accompagnent pour traverser des moments difficiles.

Notre chemin de vie ne peut se soustraire aux épreuves de vie. Bien entendu,certains parcours sont plus chaotiques que d'autres mais comme  le dit si bien Boris Cyrulnik il suffit de se sentir aimé, apprécié d'une seule personne pour se sentir aimable. Tout celà constitue un vecteur d'espoir pour surmonter les traumatismes avec l'aide d'un autre.

Jacques Salomé écrivait: Nous portons les cicatrices de nos blessures, à nous de les honorer, car elles disent de nous que nous avons survécu et elles nous rendent plus lucides.

Carine Hernandez 

Psychologue clinicienne, Praticienne  accréditée EMDR EUROPE. 

Auteure du livre de Tais-toi à t'es toi ou comment renaître des emprises psychologiques et abus psychologiques aux éditions nombre 7.

 

 

 

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