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Entre passé et futur, la planète Mars détient-elle toutes les réponses ?

Depuis les débuts de la conquête spatiale de nombreuses expéditions sur Mars ont eu lieu, plus ou moins ambitieuses, parfois fructueuses mais toujours habitées par la passion. Mars a été un choix stratégique, tant par sa proximité que sa similarité avec la Terre, toute relative certes, mais plusieurs indices laissent à penser que son destin est proche du nôtre. 

Mars 2020, la dernière expédition en date fait beaucoup parler d’elle. Le monde s’agite des découvertes à venir et c’est compréhensible au regard de ce que Mars a encore à nous dévoiler. En attendant les retombées de cette mission martienne, voici un petit tour d’horizon des découvertes, des enjeux et des attentes que la planète rouge nous esquisse.

Au commencement

Mars a mauvaise réputation, elle porterait malheur. En effet, plus de la moitié des expéditions se sont soldées par des échecs. Plus de 60% pour être précis. Cependant, on sait que les 40% restants nous ont beaucoup appris et surtout ont permis au rover “Persévérance” d’être là où il est aujourd’hui, avec les attentes et les espérances qui l'accompagnent. Autant d'essais qui nous ont apporté des connaissances précieuses sur Mars et ses satellites, et qui nous ont aiguillés sur les découvertes en cours et à venir.

Le 28 novembre 1964, c’est bien là que tout à commencé. Ce sont les Russes, les premiers, qui ont approché la planète Mars, à 5 reprises, sans arriver à se mettre en orbite.

Le 14 juillet 1965, après 8 mois de voyage et 220 millions de km parcourus, la sonde Mariner 4, envoyée par la NASA survole la planète Mars à 10 000 km. Autant dire un mouchoir de poche, une broutille, tant la distance à la terre est pharaonique. Grâce à cette expédition, nous, terriens, avons pu accéder aux 22 premiers clichés de la planète rouge. Ce sont grâce à ces photos que l’on a pu confirmer le manque d’hospitalité de Mars, l'absence de pression atmosphérique, d’eau et de signes de vie. Mais cela n’a pas empêché l’engouement pour notre voisine de l’espace de croître au fil des ans.

En 1971, Mariner 9 réussit à s’installer en orbite, une grande première. La sonde doit patienter jusqu’à la fin d’une tempête à l’échelle planétaire pour enfin dévoiler les courbes du relief martien. Et là, grosse surprise pour tout le corps scientifique : Mars n’est pas un tas de cailloux plat sans aspérités, loin de là. Mariner 9 nous dévoile canyons, volcans, glaciers et autres lits de rivières. 

Photo du volcan Olympus Mons sur la planète Mars prise le 1er juin 1978 par la navette de la Nasa Viking 1 © AFP / AFP PHOTO/ NASA

Toujours en 1971, les Russes, après 8 tentatives échouées, larguent en décembre Mars 2 et Mars 3 avec tous deux à leur bord un orbiteur et un atterrisseur. Les deux atterrisseurs ont été les premiers à fouler le sol martien, mais malheureusement ils n’ont jamais envoyé de données. L’un s’écrasant à la surface, le second ne fonctionnant que 20 secondes, probablement pris dans une tempête de poussières martiennes. Les orbiteurs, eux, fourniront des clichés, mais le matériel embarqué étant moins performant que sur Mariner 9, les clichés transmis ont donc été de moins bonne qualité. 

Cela ne les empêcha pas d’envoyer à nouveau deux orbiteurs Mars 4 et Mars 5 et deux atterrisseurs Mars 6 et Mars 7 en 1973, sans succès. Certains se perdirent, d’autres tombèrent en panne rapidement. L’accumulation d'échecs pour les Russes les poussèrent à abandonner, pour un temps du moins, leur conquête martienne. 

Il fallut attendre 1976 et la NASA avec Viking 1 et Viking 2 pour qu'un atterrisseur et un orbiteur fournissent des éléments exploitables. Mars révèle enfin quelques secrets. On découvrira notamment que:

  • L’atmosphère de Mars se compose en majorité de dioxyde de carbone (96 %), d'argon (1,93 %) et de diazote (1,89 %), ainsi que des traces de dioxygène, d'eau, et de méthane. 
  • Les données géologiques recueillies montrent que certaines formations ont été provoquées par l’action de l’eau. 
  • Les scientifiques auront également accès à des données météorologiques qui seront utilisées pendant de nombreuses années. 

C’est une énorme avancée en termes de connaissances de cette planète mystérieuse, une nouvelle page s’ouvre et en même temps se clôture car même si Mars nous a livré quelques réponses, elle est inhabitée, inhabitable et la vie passée est peu probable. Le découragement est tel que les expéditions martiennes se raréfient pendant près de deux décennies. Il est décidé de continuer à récolter les informations transmises par Viking 1 et Viking 2 et d’attendre que la technologie permette d’approfondir les recherches, voire d’effectuer un déplacement directement sur le sol martien.

En 1996, après plusieurs échecs et des sommes astronomiques engagées, la NASA change sa stratégie et accélère la périodicité de ses lancements tout en minimisant les coûts: la stratégie du “faster, better and cheaper” (plus rapide, mieux, moins cher). 

En effet, quand on sait que les missions Viking 1 et 2 ont été les plus coûteuses, avec un budget de 3.8 milliards de dollars, on n’ose imaginer quelles auraient été les conséquences pour les missions futures en cas d’échec. Diviser les missions en plusieurs modules permet de ne pas briser la chaîne vertueuse de l’exploration martienne. En cas d’échec, on ne perd pas la totalité des fonds, ni l'intérêt de toute une mission.

Vingt ans après les dernières missions, les moyens techniques ayant évolué, il est à présent possible d’envoyer des robots géologues qui exploreront le sol martien. C’est en 1996 que l’orbiteur Mars Global Surveyor et l’atterrisseur Mars Pathfinder accompagné de son premier robot mobile Sojourner, complètent les données, fournies 20 ans auparavant, sur l’atmosphère et le relief martien: 

  • Grâce à un spectromètre embarqué, on découvre la présence d’hématite grise, qui potentiellement pourrait notifier la présence d’eau. Des ravines confirment également la probabilité d’une eau liquide sur mars. 
  • Cette mission permet une cartographie détaillée de la planète Mars, avec ses particularités entre l'hémisphère nord et l'hémisphère sud, la découverte de calottes glaciaires et de nouveaux volcans,
  • On y découvre également un champ magnétique rémanent.

Les Russes, la même année, re-tentent l'aventure, nouvel échec. La perte du matériel, en partie européen, contraint l’ESA (European Space Agency), qui a subi une perte financière importante, à revoir son mode de fonctionnement. Elle décide alors de construire ses propres satellites, Mars express voit le jour.

Calotte glaciaire du pôle sud. Credit: NASA, Goddard Space Flight Center Scientific Visualization Studio Mars Orbiter Camera data. NASA, JPL, Malin Space Science Systems

L’âge d’or de l’exploration martienne

Depuis les années 2000, la plupart des missions martiennes ont été des succès, apportant leur lot de connaissances supplémentaires. Les missions spatiales martiennes apportent de plus en plus d’informations sur les conditions de développement antérieur et futur de la planète rouge. 

De nouveaux acteurs sont entrés dans la course : l’Europe en 2003, l'Inde en 2014, la Chine et les Emirats Arabes Unis en 2020.

En 2001, pour le nouveau millénaire, Mars Odyssey est la première mission fructueuse d’une longue série de huit. Elle a pour objectif principal de dresser une carte de la distribution des minéraux et des éléments chimiques à la surface de Mars. 

En 2003, l’Europe lance Mars Express. C'est une première sonde européenne, envoyée par l’ESA, à entrer en orbite autour de Mars. Elle recueille des données à la surface de la planète rouge et dans les différentes couches de l’atmosphère. Cette mission offre au monde de nombreuses découvertes: 

  • identification de la nature des calottes polaires et estimation du volume d'eau stockée,
  • informations complémentaires de la composition de l'atmosphère martienne et des répercussions du vent solaire sur celle-ci,
  • réalisation d’une cartographie des reliefs en trois dimensions, 
  • détection des minéraux hydratés prouvant la présence d'eau à la surface sur une longue période antérieure,
  • cartographie des régions où l’eau affluait auparavant et donc élaboration d’un plan de localisation des prochaines expéditions martiennes, 
  • détection de la présence d'eau à l'état liquide sous la calotte glaciaire du pôle sud,
  • possibilité grâce à la caméra de survoler les calottes glaciaire de Mars. 

En 2004, Mer A et Mer B (Mars Exploration Rover) sont lancés, par la NASA, avec à leur bord Spirit et Opportunity, les premiers rovers depuis Sojourner en 1996, chargés de:

  • l’exploration de différents cratères susceptibles d’avoir accueilli de l’eau à l’état liquide, en analysant les roches présentes et ce, dans le prolongement des missions Viking et Pathfinder,
  • l’étude des couches de l’atmosphère martienne. 
Le robot Opportunity. Crédits : NASA

Parmi les découvertes surprenantes et inattendues que les scientifiques ont pu observer, une intervient suite à un évènement au premier abord assez fâcheux. En effet, la roue droite de Spirit s’est retrouvée bloquée. Les scientifiques procèdent donc à un déplacement en marche arrière afin de pallier aux problèmes techniques. Mais le robot avance moins vite et sa roue bloquée provoque un sillon. Et c’est ce sillon, qui soulève une quantité de sol plus importante qu'en marche avant, qui permettra de révéler du silice.  Et l’on sait que le silice n'apparaît qu'en présence de conditions favorables à la vie… de quoi relancer l’effervescence. 

En 2005, Mars Reconnaissance Orbiter est envoyé par la NASA. C'est un orbiteur, comme son nom l’indique, qui va, grâce à son télescope embarqué HiRISE (High Resolution Imaging Science Experiment), cartographier en couleur et en très haute résolution, les minéraux présents sur la surface de Mars. Ces données d’une précision inégalée vont permettre: 

  • d’identifier certaines roches à la composition mystérieuse jusqu’alors, informations primordiales pour comprendre le passé géologique de la planète rouge, 
  • de trouver des lieux d’explorations adaptés pour de prochaines missions, 
  • d’approfondir l’étude du climat et ses fluctuations, 
  • de détecter d’autres poches d’eau ou de glace.

En 2007, l’atterrisseur Phoenix, envoyé par la NASA près de la calotte polaire nord est chargé d’analyser le sol de la calotte glaciaire en réponse aux révélations de Mars Odyssey et de sa découverte d’eau. Il doit aider à retracer le cycle de l’eau dans l’histoire martienne. La petite pelleteuse a creusé le sol et le microscope sur place, télécommandé depuis la Terre, a pu analyser les couches de glace présentes sur Mars et révéler du perchlorate et des carbonates. 

En 2011, Mars Science Laboratory et son véhicule Curiosity se pose sur le sol martien. La NASA veut explorer le cratère Gale et ses minéraux afin d'asseoir ou non la probabilité de trouver une forme de vie dans les prochaines missions. 

Le rover a embarqué notamment deux laboratoires avec foreuses, microscopes, ainsi qu’un système d’analyse à distance de la composition des roches reposant sur l’action d’un laser. Curiosity est alimenté à l'énergie nucléaire car les missions précédentes ont mis en évidence la difficulté de fonctionnement de l'énergie solaire, principalement à cause des tempêtes de sable et de poussières martiennes. 

Apprendre de ses erreurs et s’adapter aux contraintes de la planète rouge, tel est le mot d’ordre de la conquête spatiale. Toutes les missions servent de tremplin aux prochaines, les connaissances s’affinent et se complètent, rendant la compréhension de l'évolution passée et future de Mars de plus en plus riche.

Première photo prise par la caméra de Curiosity. Crédits : NASA JPL-Caltech

En 2013, l’Inde envoie un satellite en orbite Mars Orbiter Mission connu également sous le nom de “Mangalyaan”. Ce satellite permet :

  • d’étudier comment l’atmosphère de Mars s’échappe, 
  • de déceler ou non la présence de méthane dans l’atmosphère. 
  • de confirmer les traces de la présence d’eau, par le passé, sur la planète rouge.

En 2013 également, la mission Maven, faisant partie du programme SCOUT de la NASA, envoie un orbiteur qui cherche à comprendre les mécanismes de la disparition de l'atmosphère de Mars en complément de la mission indienne. Il va étudier les interactions entre les vents solaires et l’atmosphère restante. Cette mission confirme que les vents solaires sont bien à l’origine de la disparition de l’atmosphère de Mars. A la fin de sa mission en novembre 2015, l’orbiteur servira de relais de télécommunications entre les rovers sur place (Curiosity notamment) et la Terre. 

En 2018, la NASA procède au lancement de la mission InSight (Interior Exploration using Seismic Investigations, Geodesy and Heat Transport) qui vise à étudier l’intérieur de la planète Mars. A l’aide d’un sismomètre, l’objectif est de connaître au mieux la structure interne de Mars. Il capte, en avril 2019, des secousses ressenties au cœur même de Mars, celles-ci sont encore à l’étude.

Et puis, il y a la mission Mars 2020 et Persévérance. 

 

Depuis près de 70 ans maintenant, on essaie, on avance, on apprivoise Mars et son climat, sa rudesse et ses sols inhospitaliers. Toutes les missions jusqu’alors, même celles qui ont échoué, ont aidé à préparer celle-ci. En effet les crash dus au vent, les tempêtes de sable endommageant les panneaux solaires ont permis aux scientifiques d’adapter leurs instruments, de modifier le comportement des machines à envoyer sur place.

Quant aux missions d'expédition réussies, elles ont permis d'affiner les lieux d’exploration, les éléments à rechercher pour avoir plus de chance de trouver une quelconque forme de vie passée sur Mars et le développement du matériel capable de dépasser les contraintes rencontrées lors de missions précédentes.

L'étude du climat a mis en relief les périodes les plus propices à un atterrissage en douceur sur Mars .

L’étude de la composition du sol martien et de ses roches a guidé les scientifiques vers les points susceptibles d’avoir accueilli de l’eau sous forme liquide.

La recherche de traces d’eau a permis de choisir LE lieu où la probabilité de trouver des traces de vie était le plus pertinent, comme dans le cratère Jezero où l’eau ruisselait il y a des millions d’années par exemple.

La collecte monumentale de données, de photos, nous ont permis d'être là aujourd’hui au premier chapitre d’une petite révolution martienne.

La sonde Persévérance en approche de la planète rouge. Crédits : NASA

Cette mission de Mars 2020 est la première de trois

En ce 20 juillet 2020, la fusée Atlas V s’est élancée de Cap Canaveral en Floride avec notamment Persévérance à son bord. Alors Persévérance c’est qui, c’est quoi? 

Et bien c’est une sorte de clone de Curiosity, de 9 ans son cadet mais en mieux. 

Une sorte de gros 4X4 de 3 m de long et 2.7 m de large, équipé de divers instruments scientifiques:

  • 2 micros
  • 19 caméras dont 1 supercam
  • Moxie
  • Ingenuity

Plus spécifiquement les deux micros embarqués vont pour la première fois capter le son martien.

Le 22 février 2021 on a pu entendre les premiers décibels martiens, sans surprise c’était du vent mais du vent martien quand même! Et depuis, la NASA nous transmet régulièrement les sons martiens, on a même pu écouter le flash de la Supercam en action sur les roches martiennes. 

En parlant de supercam, elle a été conçue par le IRAP (Institut de Recherche en Astrobiologie et Planétologie) basée à Toulouse! 

Sylvestre Maurice, l’astrophysicien chargé de piloter la supercam, explique qu’il s’agit “d’un laser qui peut, d’une distance allant de 2m à 7m, analyser la géologie des roches martiennes, leurs compositions et leurs duretés. Elle dispose d’une très haute résolution d'images.”

Le Moxie, quant à lui, est un boîtier, grand comme une batterie de voiture, qui va tenter de transformer le dioxyde de carbone de l’atmosphère de Mars en oxygène. C’est l’une des grosses attentes de l’expédition, puisqu’un des obstacles à la conquête humaine de Mars c'est l’impossible transport d’oxygène en quantité suffisante. Mais si un dispositif arrive à le fabriquer, alors les portes de Mars s’ouvriront encore un peu plus. 

Enfin, un petit hélicoptère est fixé à Persévérance. Il fait à peine 2kg et il va tenter un envol sur la planète rouge dès que possible. Une grande première dans l’histoire de Mars. Cela va permettre d’étudier les conditions de vol et la réponse d'un engin volant en rapport avec la gravité martienne et la pression atmosphérique. C’est tout un équilibre à trouver.

Persévérance. Crédits : NASA

Mars 2020, pas à pas

Le 30 juillet 2020, sur le site de lancement de Cap Canaveral en Floride, la fusée lanceur Atlas V prépare son envol, avec à son bord, tout l’équipement nécessaire pour mener à bien la mission Mars 2020. Avec, entre autres et non des moindres, l’astromobile Persévérance.

La fenêtre de tir est verrouillée. La fusée s’envole à 11h50 en temps universel (soit 13h50 en France) pour un périple de plusieurs mois à travers notre système solaire. 

Lancement Persévérance Cap Canaveral, juillet 2020. Crédits : NASA

Après s’être séparée de son lanceur, la sonde entame son périple vers Mars à son rythme de croisière. 

La planète rouge est officiellement à 70 millions de km mais ce n’est pas si simple, car en théorie nous ne devrions mettre qu'environ une quarantaine de jours pour nous rendre sur Mars, une bagatelle comparé aux laborieux 7 mois de trajet. En fait, il s'agit d'atterrir sur une planète en mouvement, alors que nous-mêmes sommes en mouvement, mais pas à la même vitesse. 

Il faut donc anticiper le moment où Mars et la Terre seront les moins éloignés l’un de l’autre, et prévoir un lancement en fonction de cette date d'atterrissage, pour effectuer le trajet le plus court. De plus, la sonde doit contourner le soleil, ce qui rallonge considérablement le voyage, le faisant passer d’un gros mois à une demi année au minimum. 

 

470 millions de km plus tard, le 18 février 2021, en début de soirée, heure française, la sonde amorce sa descente vers la planète rouge. Elle passe de 17 000 km/h à 1 500 km/h en moins de 3 minutes. 

La respiration se fait haletante en Californie, où l’on n’ose plus faire de mouvement brusque. L’attente est fébrile, car il existe une latence de 11 minutes entre les données qui arrivent au centre de contrôle de la NASA et la sonde elle-même. De quoi vous filer des suées. 

Mais machinalement, sans faillir, la sonde suit sa trajectoire programmée afin de remplir sa mission.

Elle pénètre donc dans l’atmosphère ténue de Mars, provoquant un embrasement à 1500°c.

Avec elle commencent “les 7 minutes de la terreur” comme les appellent les astrophysiciens. 7 minutes, c’est le temps qu’il faut au Rover pour arriver sur le sol martien une fois son entrée dans l’atmosphère, mais avec les 11 minutes de latence, c’est un atterrissage à l’aveugle pour Persévérance. Enfin pas vraiment puisqu'il est programmé pour ça, mais quand  même, 7 ans de travail, 7 mois de trajet, 7 minutes d’agonie pour tous les hommes et les femmes sur ce projet martien! 

Le bouclier thermique, présent pour protéger le robot Persévérance, jusqu’ici remplit sa fonction à merveille. Les caméras se mettent en route. 

On assiste donc en direct au déploiement du parachute. Commence la descente, étape la plus périlleuse du périple, au moindre faux pas, le rover s’écrase ainsi que les chances de collecter des traces potentielles de vie sur Mars. La tension est à son comble.

Un téléspectateur, Maxence Abela, assiste comme tant d'autres à cette étape, et il remarque un détail qui attire son attention. Le parachute semble avoir un message binaire écrit en son envers, la caméra embarquée de Persévérance nous le dévoile clairement. 

Étudiant en informatique à Epitech, il maîtrise plutôt bien son sujet et s’empresse de le déchiffrer. Il sera le premier ! Petit message dissimulé malicieusement par les équipes de la NASA “DARE MIGHTY THINGS”: Ose de grandes choses.

Les 6 caméras filment la phase de décélération. L'ordinateur prend le temps d’analyser les points de chute potentiels et choisit son point d'ancrage le plus favorable. Là, Persévérance se pose sans encombre à 12h55 en Californie, 21h55, heure de Paris, dans le cratère Jezero, comme prévu.

DARE MIGHTY THINGS. Message et slogan de la mission Mars 2020. Crédits : NASA

Dans ce paysage désertique et rocailleux, le cratère Jezero est l'emplacement d’un ancien lac, grand d’une quarantaine de kilomètres de diamètre, sélectionné lors de précédentes expéditions. On peut y voir, encore aujourd'hui, les vestiges d’un delta d’une époque où l'eau liquide arpentait la planète rouge et un dépôt de minéraux argileux que l’on sait très utiles dans la conservation des matériaux organiques. Une mine d’or en somme. 

Le centre de contrôle en Californie est en liesse, Persévérance est arrivé à bon port.

Les premières images de Persévérance en provenance de Mars arrivent au centre de contrôle de NASA. Crédits : AFP / NASA

Pourquoi Persévérance suscite-t-il autant d’attentes?

En effet, Persévérance est un rover de plus, qui ressemble même à son aîné Curiosity et pourtant.

Les technologies ont considérablement évolué et nos connaissances aussi. Les différentes missions effectuées ces 20 dernières années ne nous ont jamais amené si près du but. Les données collectées sont de plus en plus précises et les moyens de les exploiter sont de plus en plus fiables.

Nous savons maintenant que Mars abrite de l’eau liquide, au pôle nord notamment, qu'un lac recouvrait le cratère Jezero, il y a à peine 3.5 milliard d’années, soit un minute à l’échelle géologique de la planète.

Nous savons que le dioxyde de carbone est l’élément principal composant l’atmosphère martienne, de ce fait des ingénieurs ont créé une machine capable de transformer ce même dioxyde carbone en oxygène. Si l’on peut fournir de l’oxygène via le dioxyde de carbone présent sur place, une expédition habitée n’est plus à exclure. 

L’heure n’est plus aux simulations, ni aux spéculations mais aux essais en immersion. 

Pour permettre une éventuelle exploration future des lieux impraticables par des rover, un hélicoptère va tenter un vol, sans air pour le soutenir, pour faire pression sur ses hélices. Le principe même de l'aérodynamique moderne est remis en question ici et transcendé pour garantir toujours plus de découvertes dans la conquête martienne.

Les calottes prélevées par Persévérance dans le cratère Jezero seront scellées et stockées pendant 5 ans. 

C’est à ce moment que la deuxième partie de la mission commence. 

La NASA, accompagnée de l’ESA, enverront un atterrisseur, équipé d’un rover chargé de collecter les échantillons, et d’une petite fusée chargée de ramener les échantillons en orbite. L’orbiteur, qui réceptionnera les échantillons, sera lui envoyé par l’ESA et rentrera vers la terre aux alentours de 2031.

Une fois revenus sur terre, les échantillons pourront être analysés dans des conditions optimales par les machines les plus sophistiquées et l'on obtiendra enfin les réponses que l’on cherche depuis longtemps. Jusqu’alors les contraintes de taille et de poids de transport, ont empêché d’embarquer le matériel adéquat pour que les échantillons prélevés sur place soient analysés avec les meilleurs outils.

Pour la première fois dans l’histoire de la conquête martienne, un retour sur terre est envisagé et qui dit retour d’échantillons dit potentiellement retour d’humains possible. Donc si ces missions, dont Mars 2020 fait partie, réussissent, la mission habitable sur Mars sera enclenchée. 

Le rêve, la folie imaginée par les films de science-fiction les plus fous, seront à portée de vaisseau spatial. 

Les réponses aux questions, qui nous taraudent depuis près de 40 ans, se profilent d’où l'importance de cette expédition sur Mars. Les perspectives qu’elles ouvriront sont infinies et abyssales. 

Et si la vie avait existé sur Mars?

François Forget, astrophysicien français et directeur de recherche au CNRS nous dit que “la planète Mars est la planète qui ressemble le plus à la Terre dans tout notre système solaire”. Mais à quel moment et pourquoi est-elle devenue stérile et inhospitalière? 

La Terre a bénéficié de conditions favorables au départ et certainement d’une taille avantageuse. Mais au regard des similitudes des deux planètes, l’histoire géologique de Mars pourrait nous permettre de comprendre notre genèse ainsi que notre possible évolution. 

Comme une jumelle qui aurait mal tournée, mieux la connaître c’est mieux nous connaître. 

L’orbiteur des Emirats Arabes Unis, envoyé en juillet 2020, va étudier le lien entre le climat et l'échappement atmosphérique. Données qui vont nous permettre de mieux comprendre pourquoi Mars a perdu son atmosphère.

Les conditions, au commencement de l’existence de Mars, étaient similaires à la Terre, donc potentiellement la vie a pu se développer dans une atmosphère riche en oxygène avec présence d’eau sur son sol. 

Sylvestre Maurice, en tant que scientifique, se réjouit à l’idée de trouver des formes de vie sur Mars, mais en tant qu’humain, il s’inquiète de la réaction du monde face à une telle découverte. 

Car au-delà de la révolution scientifique que cela engendrerait et de la reconstruction totale de tout ce sur quoi nous nous sommes bâtis jusqu’ à aujourd'hui, une forme de vie en dehors de la Terre enlèverait notre statut d’”accident du système solaire” . Comme il le confie “une planète abritant de la vie c’est un accident, deux planètes dans le système solaire, c’est une infinité dans l’univers”

De quoi avoir le vertige. La révolution de pensée que cela engendrerait, scientifiquement, religieusement et philosophiquement serait colossale. 

L'expédition Mars 2020 est le premier chapitre du plus ambitieux des voyages martiens. C'est le début d’une nouvelle ère spatiale où l’heure n’est plus aux tâtonnements mais aux essais concrets à des fins d'exploration humaine. 

Même si les contraintes logistiques sont encore aujourd’hui incompatibles avec l’éventualité d’une colonie martienne, l’exploration par un astronaute est, elle, par contre envisagée dès 2040 si Mars 2020 remplit ses objectifs.

En attendant, Mars 2020 suit le cours de sa mission, et pour le moment, c’est un sans faute.

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