Créée en 1991, l’Association de la Fondation Etudiante pour la Ville (AFEV) est présente dans plus de 40 villes et mobilise 8000 jeunes chaque année en France. Grâce à l’accompagnement individuel (AI), ou mentorat, des étudiants bénévoles accompagnent deux heures par semaine un enfant de quartier défavorisé. Aide aux devoirs, discussions, sorties, jeux… Des moments d’échange et de partage, d’imprévus et de découvertes. Une expérience que vivent cette année Eïleen, Alexandra, Corentin et Pauline, tous les quatre bénévoles à l’AFEV La Rochelle.
Plonger dans l’inconnu
Accompagner un enfant pour la première fois, c’est sauter dans le grand bain : on ne sait pas à quoi s’attendre. « J’avais seulement fait du baby-sitting, mais là c’est complètement différent » explique Eïleen, 19 ans, étudiante en sciences de la vie. Elle s’occupe de Maëva, qui est en CP. Heureusement, la confiance s’est vite installée entre les deux filles : « Elle n’est pas du tout timide. Elle demande toujours à ce que je reste plus longtemps » se réjouit Eïleen.
De son côté, Corentin, 22 ans, a dû être plus patient pour gagner la confiance d’Amine, 16 ans, qu’il suit pour la deuxième année consécutive. L’étudiant ne voulait pas faire mauvaise figure devant le lycéen qu’il accompagnait. «On n’a pas le même âge, il pouvait se dire que j’allais être barbant et lui faire des cours sans pouvoir rigoler ou discuter». Après plusieurs rencontres, Amine s’est senti plus à l’aise pour échanger et se confier. Corentin a découvert que le lycéen aimait les sciences et les animaux, comme lui. « Il est hyper curieux ! Il avait juste besoin de temps pour savoir à qui il avait affaire », explique-t-il.
Suivre les progrès
Deux heures par semaine, cela passe très vite. Il faut quelques mois pour que les bienfaits de l’accompagnement soient visibles. Étudiante en première année de lettres, Alexandra suit depuis septembre Marc, collégien en troisième. Elle a été impressionnée par les premiers résultats : « Au début, il était à 10 et quelques, et après les vacances de la Toussaint il était arrivé à 13 » raconte-elle. Corentin, lui, a constaté la nette progression d’Amine entre sa seconde et sa première STMG (Sciences et Technologies du Management et de la Gestion). « Quand je l’ai connu, il avait 10-11 de moyenne, maintenant il plafonne à 14-15. Avoir ce sentiment de l’aider, et de créer un lien avec lui, c’est ça le plus intéressant » se félicite l’étudiant.
L’accompagnement individuel ne se fait pas qu’à travers les devoirs. Pauline, 24 ans, est en service civique à l’AFEV. Elle accompagne Satou, 8 ans, qui a de très bonnes notes mais des difficultés à se concentrer. « Elle fait des erreurs d’inattention, à chaque fois ce n’est jamais la même ». Faire progresser l’enfant demande de la patience, et beaucoup de bienveillance. « Il faut savoir s’y prendre, écouter et en parler » précise Pauline.
Nouer des liens
Accompagner un enfant, c’est mettre un pied dans la sphère familiale. Rencontrer le ou les parents, les frères et sœurs, dans une famille parfois élargie ou recomposée. Lors des premières séances, les échanges entre Corentin et la mère d’Amine étaient très formels ; mais après quelques mois, une complicité s’est installée et l’étudiant repart régulièrement avec quelque chose à manger. « Au début, tu viens et tu es la personne qui va faire les devoirs. Mais après, le regard change : tu deviens Corentin, le bénévole » constate ce dernier. Il a même entendu la mère d’Amine dire un jour : « il fait partie de la famille ».
Eïleen, quant à elle, dépasse souvent les deux heures d’accompagnement par semaine avec Maëva. « Une fois, je suis restée cinq heures ! Je ne compte pas le temps. On fait du dessin, de la lecture, des jeux de société, on court dans l’appartement » s’amuse-t-elle. Un soir, la mère de famille lui a proposé de rester dîner. Elle s’est souvenue que l’étudiante était végétarienne et lui a préparé un repas sans viande, une attention qui l’a touchée. « La famille est super, je m’entends très bien avec. Je suis ravie d’être tombée sur Maëva » conclut Eïleen.

Surmonter les difficultés
Si la plupart des accompagnements se passent bien, les bénévoles rencontrent aussi des difficultés. A l’annonce des mesures de confinement pendant l'année, les suivis ont dû se faire en visio. Pas facile pour Eïleen : « C’était plus compliqué pour se parler, car Maëva avait envie de bouger », reconnaît-elle. Alexandra trouvait la vidéo contraignante pour les devoirs avec Marc : « c’est parfois compliqué quand il a des textes à étudier, parce qu’on ne peut pas les voir directement. Pareil pour les maths avec les calculs ». Malgré la reprise progressive des accompagnements en présentiel, il y a encore des contraintes. « Avec le couvre-feu, c’est un peu compliqué de trouver des horaires adaptés pour se voir. Mais on arrive toujours assez bien à se débrouiller » relativise Eïleen.
Il arrive parfois que les obstacles soient plus complexes. Ce fut le cas de Pauline, qui n’arrivait plus à canaliser l’énergie de Satou. « Elle abusait un peu de mon autorité en cherchant la petite bête » raconte-t-elle. Lors d’une sortie, Satou a voulu faire une farce à Pauline en se cachant dans un parking. « J’ai eu très peur. Pour elle, c’était l’occasion de s’amuser, ce n’était pas méchant. Elle ne s’en rendait pas compte ». Au début, Pauline n’osait pas avouer ses difficultés à la famille. Encouragée par l’AFEV, elle finit par en parler au père de famille. « Je lui ai expliqué la situation, il a recadré Satou et lui a demandé de me présenter des excuses. Il veut que je sois bien accueillie, que l’accompagnement reste un plaisir. »
Après cet échange, la rencontre suivante s’est bien passée. « Elle a été plus calme, plus tranquille, j’ai pu discuter avec elle de ses difficultés » affirme Pauline. Cet obstacle a été instructif pour elle : « ça me permet de gagner en confiance avec les enfants, d’expérimenter différemment. Je n’aurais jamais pensé en être capable avant ».
Apprendre de soi
L’accompagnement individuel est une occasion pour les bénévoles de se découvrir autrement. « Le fait de s’occuper de quelqu’un d’autre, l’aider quand il ne comprend pas, ça me donne une petite responsabilité en plus, reconnaît Alexandra. Ça me fait penser à autre chose que la fac, les cours ». Même constat pour Eïleen : « ça m’a apporté de la rigueur. Je suis un peu feignasse, et ça me donne envie de bouger, d’aller voir Maëva. J’aimerais bien continuer encore avec elle l’année prochaine ».
Malgré les difficultés rencontrées avec Satou, Pauline reste confiante. « C’est un travail en équipe. Si on a la volonté, je pense que ça peut toujours s’améliorer. Mais ça doit se faire des deux côtés ». Corentin, lui, n’a pas hésité à signer pour une autre année d'accompagnement. Même s'il se préparer à entrer en master, il aimerait garder le lien avec Amine. « Je pense que je le suivrai dans les années à venir. Voir que tu changes des vies en donnant quelques heures de ton temps, je trouve ça magnifique ».
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