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Le mariage, ce concept qui a évolué et qui ne fait plus autant rêver

Si certains Français sont encore prêts à s’aimer pour toujours, ils ne veulent pas pour autant s’épouser. Mise au point sur l’évolution de la notion de mariage en France, ce concept ancestral qui semble avoir été dépoussiéré, voire peut-être mis au placard ?

Cendrillon nous chantait enfant que le rêve de sa vie était l’amour, et si son histoire se termine avec un mariage, ce n’est plus une fin en soi pour beaucoup de Français. Comme énormément de sujets et concepts sociaux, la notion de mariage a évolué au cours du temps, en même temps que nous. En 2016, le nombre de mariages total en France était historiquement le plus bas jamais enregistré depuis 1946 (un peu plus de 210 000 selon l’INSEE).

Le mariage d’avant et le mariage de maintenant

Le terme mariage découle du verbe marier. Étymologiquement, c’est l’acte d’allier deux choses ensemble pour former un tout harmonieux. Chez les marins, on parle de marier, unir deux cordages ensemble. Historiquement, le mariage est un contrat, une officialisation. Si le plus vieux couple du monde encore en vie s’est marié en 1939, on ne pourra pas cibler l’arrivée exacte du mariage dans notre Histoire. On peut néanmoins l'associer à l’époque de l’Antiquité, où déjà, même avec une société polythéiste, on retrouvait Héra, déesse du foyer et du mariage.

On lit fréquemment sur les faire-part : « Julie et Julien ont décidé d’officialiser leur union », et bien souvent, c’est devant une institution. Il y avait presque auparavant cette notion de rendre des comptes. Le mariage classique et religieux se déroule dans un lieu de culte, et l’objectif est de faire valider son mariage par « Dieu ». Puis, au fur et à mesure, un autre acteur a montré le bout de son nez : l’État. A partir de 1792, le mariage civil arrive en France, et désormais, un contrat doit être signé par les deux partis, avec certains justificatifs et documents demandés. C’est cette officialisation devant la loi qui importe à l’État, le mariage religieux n’est pas reconnu. Si certains font les deux, il existe depuis quelques décennies, une partie de la population française qui se marie uniquement dans une mairie. Une situation qui s’explique par la baisse considérable de croyants en France (plus de la moitié des Français sont « sans-religions » selon une enquête menée par Pierre Bréchon appelée France des valeurs).

Si le mariage a changé, les mariés aussi. Avant, le couple que l’on pouvait voir devant le maire afin d’échanger leurs alliances, était exclusivement composé d’un homme et d’une femme. Mais, sous le mandat de François Hollande, en 2013, le mariage pour tous a été légalisé dans l’Hexagone, faisant de la France le 9e pays européen à permettre aux personnes homosexuelles de se marier. Une chose inenvisageable pour beaucoup il y a encore 15 ans. La part de mariés du même sexe fait gonfler le nombre de mariés annuels. En effet, en 2017, sur les 228 000 mariages célébrés en France, 7 000 étaient entre personnes du même sexe, tandis qu’on en perdait 5 000 entre personnes de sexe différent entre 2016 et 2017, selon l’INSEE. Les mariés sont aussi de plus en plus âgés : si avant la moyenne d’âge était respectivement de 32,9 ans pour les hommes et de 30,3 ans pour les femmes, elle est désormais de 38, 1 ans pour nos messieurs et de 35,6 ans pour nos dames.

Un concept pas si romantique que ça ?

Quand on regarde les chiffres, on voit que le nombre de Pacs (Pactes civils de solidarité) en France ont augmenté. Le Pacs était bien souvent considéré comme une sorte de « demi-mariage ». Aux yeux de la loi, un couple pacsé n’est pas marié, mais ce n’est plus du simple concubinage. Beaucoup de couples homosexuels ont choisi cette option à défaut de pouvoir se marier, avant la loi Mariage pour tous. Entre 2016 et 2017, on ajoute 7 000 Pacs entre personnes de sexe différent.

On ne peut pas s’empêcher d’imaginer, d’envisager, une sorte de transvasement de catégorie de la part des couples, entre le groupe des « futurs mariés » et le groupe des « futurs pacsés ». Après tout, quand on zoom sur le mariage, la loi nous offre pas mal d’avantages quand on décide de franchir le cap. Des avantages fiscaux, tels que la déclaration commune de revenus. Être mariés ou pacsés, ça fait économiser de l’argent, pour rester simple. Mais pourquoi fuir le mariage pour le Pacs dans ce cas ? Peut-être, car une fois votre mariage reconnu devant la loi, les deux membres du couple ont des droits et devoirs encadrés par le Code civil. Le mariage repose sur une solidarité morale et matérielle entre époux. Le Pacs, lui, est gratuit et ne découle pas sur autant de devoir. De plus, il est beaucoup plus facile à dissoudre. Un Pacs se défait par une lettre envoyée à son notaire ou à la mairie, et puis c’est fini. A contrario, un divorce coûte au minimum 1 000 euros par partie.

Cette réalité économique a, elle aussi, évolué dans le temps, mais a toujours été présente. L’aspect contractuel du mariage relève aussi de l’union entre deux patrimoines, deux familles. Pendant des siècles, un mariage était aussi puissant qu’une guerre. Il reliait des nations et formait des alliances. Il faudrait une quantité incalculable de doigts pour compter le nombre de mariages de raison qu’il y a eu dans l’Histoire de l’humanité. Le mariage de raison consiste à épouser quelqu’un pour des raisons annexes à l’amour. On épouse cette personne parce que « C’est la bonne chose à faire », souvent selon les codes sociaux du cercle dans lequel on gravite. Le manque de romantisme supposé derrière ce concept qu’est le mariage, révolte une bonne partie de la nouvelle génération, mais ce n’est pas l’unique raison.

« Le mariage fait partie d’un schéma conventionnel qui ne m’attire pas »

Comme le témoigne l’étude de l’INSEE, une bonne partie des mariés est de plus en plus âgée, comme si les jeunes fuyaient le mariage. Certains jeunes interrogés par rapport au mariage, ne semblent pas témoigner d’un quelconque intérêt pour ce concept, qui paraît presque poussiéreux pour certains.

Pour Soledad, 21 ans, « le mariage fait partie d’un schéma conventionnel », et cela ne l’attire pas. Elle continue en disant : « Pour moi, ce n’est pas une source de bonheur mais plus une contrainte ».
La faute au nombre de divorces qui ne cesse d’augmenter de manière exponentielle ? Difficile de croire en un concept qui semble battre de l’aile de plus en plus rapidement. Dans un sondage réalisé par l’IFOP, 35 % des sondés déclarent connaître au moins une personne dans leur entourage qui a regretté s’être marié quelques jours ou mois seulement après la fête. Une annonce qui concorde avec un chiffre livré par l’INSEE. En 2010, sur 100 000 mariages, plus de 8900 auraient fini en divorce en moins de cinq ans.

D’autres, y croient toujours. Pour Florian, 26 ans, l’idée de mariage lui est venue car il pense avoir « rencontré la bonne personne », et tout dépendrait de cela. Selon lui : « Certaines personnes ont besoin de passer par l’officialisation et la symbolique que porte le mariage. Pour moi, la tradition est très importante, et pour d’autres aussi ».

Plus d’un tiers des personnes interrogées par l’IFOP déclarent que la principale raison pour se marier est de renforcer la solidarité dans le couple. Quand on regarde le nombre de comédies romantiques qui se concluent par un mariage, c’est ancré dans notre esprit depuis le plus jeune âge : qui s’aime se marie. Cela semble logique.

Il y a aussi ceux qui ne sont pas contre, mais qui ne voient pas le mariage comme un accomplissement. On se souvient de Carrie Bradshaw et ses amies dans Sex and The City, qui dans leur trentaine, avaient l’impression d’être des aliens parce qu’elles n’étaient pas mariées. On suit donc pendant six saisons leur recherche du prétendant parfait, sauf pour Samantha, iconique, et déjà avant-gardiste, nous rappelant que tout ne tourne pas autour de ce fameux concept. Le mariage, un bonus pourquoi pas, mais certainement pas une nécessité.
Théo, 22 ans, déclare ne pas « vibrer » pour cette officialisation. Il dit : « L’acte est beau, mais je trouve qu’il y a une sorte d’idéalisation du mariage, une vision peut être erronée ».

Pour Adèle, 24 ans, le mariage est de « l’ordre du rêve, de l’onirique », ou du moins l’idée du mariage réussi. Pour elle, c’est presque associé au rêve de petite fille, mais elle n’est pas apte à dire si cela semble viable et envisageable. Si une part d’elle en rêve, une autre part ne peut omettre les unions ratées qui l’entourent, comme beaucoup d’entre nous.

Mais la baisse du nombre de mariages ne signifie pas que les gens s’aiment moins ou que l’amour éternel n’existe plus. Cette célébration et promesse aux yeux de la loi ou d’une instance n’est juste plus sine qua none.
C’est le cas de Ketty, 41 ans. Elle est en couple avec son partenaire depuis plus de 20 ans et ils forment un foyer avec leurs deux enfants. Le mariage, pour elle, c’est un « non-débat ». Le concept n’a aucun intérêt, ni aucune plus-value. Au contraire, le fait qu’après autant d’années, sa relation fonctionne et résiste sans aucun contrat, témoigne de la dureté et solidité de cette dernière. Elle dit : « Je trouve que ça rend encore plus beau et plus fort ma relation avec mon partenaire, qu’elle tienne malgré le fait qu’on ne se soit rien promis aux yeux de tous. Cela repose sur notre confiance et notre détermination. C’est un engagement personnel, entre nous ».

Pourquoi devoir rendre des comptes à quiconque ? Le mariage n’est pas forcément gage d’amour comme l’Histoire a su nous le montrer pendant des siècles. « Pour le meilleur et pour le pire » sera peut-être de moins en moins prononcé, mais l’amour n’est pas mort. La manière de célébrer cet amour a juste évolué. La tradition n’impacte plus autant notre société occidentale qui, pendant des siècles, ne jurait que par le mariage. Cette symbolique reste fort de sens pour beaucoup, le passage à l’acte est juste d’autant plus réfléchie, et ce n’est pas une mauvaise chose.

Marcus BELLONNE 

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