Les nombreux groupes bantouphones se sont unifiés avec le temps et organisés en Royaume supervisé par le Manikongo, c’est-à-dire le roi kongo. Ce dernier détenait un pouvoir d’abord de nature spirituelle, car cette autorité lui venait des puissances surnaturelles et divinatoires en vue de la communication avec les ancêtres. D’après une source portugaise datant de 1624, dans Historia do reino do Congo, le Royaume aurait été fondé au XIIIe siècle. D’autres textes mentionnent que Nimi a Nzinga de Mpemba Kasi et Nsaku Lau de Mbata auraient fondé le royaume à la fin du XIVe siècle. Ils auraient décidé que les descendants de Nimi a Nzinga en seraient les souverains, tandis que ceux de Nsaku Lau gouverneraient Mbata. Mais, selon les toutes dernières sources, la fondation du Royaume Kongo daterait du IVe siècle.
Un premier évêque noir
Entre 1506 et 1543, au Royaume du Kongo, un nouveau roi chrétien en la personne d’Afonso Ier, de son nom de naissance Nzinga Mvemba, a ouvert une période de prospérité qui déboucherait sur une crise profonde. Avant ce moment fatidique, le commerce d’esclaves s’est développé. Le roi a entre-temps envoyé plusieurs jeunes gens étudier en Europe, dont son fils Kinu a Mvemba surnommé Ndo Diki (le futur Dom Henrique). Par conséquent, le christianisme accoucherait miraculeusement au Portugal en décembre 1520 d’un tout premier évêque noir formé et consacré par le pape Léon X. Au cours de cette période, les architectes parviendraient à bâtir, en plein cœur du Royaume du Kongo, une cathédrale et des églises à la gloire du christianisme. Cette religion était considérée comme source de puissance au détriment du pouvoir coutumier et de la dénomination des individus. Effectivvement, « [Dom Henrique était] né en 1495 dans la province de Mbanza Nsundi. Dans le premier quart du XVIe siècle, Lisbonne [a développé] les contacts et les missions religieuses auprès du Manikongo Nzinga Mvemba ; rapidement [s’est développée] l’idée que [devait] émerger un clergé Kongo, formé au Portugal. Dom Henrique [était] ainsi envoyé en 1506 à Lisbonne pour faire ses études théologiques et revenir comme le nouveau dignitaire de l’église catholique du Kongo. Plusieurs autres jeunes élites Kongo [étaient] envoyés sous le règne d’Afonso Ier se former en Europe, avec des fortunes diverses (plusieurs d’entre eux [étaient décédés] une fois en Europe). Henrique [est resté] jusqu’en 1521, soit 15 ans en Europe. Il [a reçu] une éducation au monastère Saint-Éloi où il [a étudié] le latin et la théologie. Dom Henrique, fils d’un roi africain allié à la couronne du Portugal, [était] le protégé du roi Manuel Ier du Portugal. »[1]
Des relations diplomatiques ont donc existé entre le Vatican et le Royaume du Kongo, en vue des de fructueux échanges.
La diplomatie
Bien entendu, « le Saint-Siège avait invité le roi [du Kongo] à envoyer des ambassadeurs. Antonio Viera, qui avait été ambassadeur en Espagne, était désigné pour se rendre à Rome, quand il mourut. À sa place fut envoyé Antonio-Manuel [Nsaku] ne Vunda. Des instructions écrites le 29 juin 1604 lui furent remises le 17 août. Il devait offrir le royaume au Saint-Siège pour que le roi [du Kongo] fût considéré comme feudataire du Pape. […] Antonio-Manuel arriva malade à Gênes en novembre 1607. La maladie le retint à Civitavecchia, qu’il atteignit vers le 20 décembre 1607. Le pape ordonna d’envoyer des carrosses, des chevaux, une litière, des médecins, des remèdes. Antonio-Manuel arriva à Rome le jeudi soir 3 janvier 1608. Le samedi soir 5 janvier son état empira. Le pape alla le voir, l’écouta, le consola. Antonio-Manuel offrit au Saint-Siège le royaume [du Kongo], demanda des missionnaires. Vers minuit, il mourut. »[2]
Il faudrait un jour clarifier et régler définitivement, du point de vue mystique, l’affaire de cette supposée offrande qu’Antonio-Manuel Nsaku Ne Vunda aurait faite à Paul V, Camillo Borghese de son nom de naissance, le 233ème pape de l’Église catholique.
Les forces de l’esprit
L’avenir du Royaume Kongo frôlait désormais la catastrophe. Le Manikongo Afonso Ier s’est enfin adressé en 1526 par écrit au roi João III, ayant sollicité son intervention en vue de la fin de l’esclavage. La cynique réponse du monarque portugais a très largement contribué à la détérioration des relations entre les deux États. Au décès du Manikongo Dom Nkumbi Mpudi a Nzinga, dit Jacques Ier, le 4 novembre 1561, le Royaume s’est affaibli et le territoire a fini, malheureusement, par se disloquer au profit des États voisins.
De la même façon que l’indépendance acquise le 30 juin 1960 aurait permis la reconnaissance internationale du Congo-Léopoldville, les Congolais devraient retrouver la souveraineté spirituelle longtemps perdue. Il faudrait in fine démystifier et défaire le soi-disant accord ayant été conclu. Celui-ci, lequel aurait été scellé entre la Royauté Kongo et la Papauté, n’a cessé d’avoir des répercussions sur la gouvernance de la République Démocratique du Congo[3].
[1] In Dom Henrique : géopolitique du premier évêque d’Afrique centrale à la Renaissance (1506-1531), Jean-Pierre Bat, Libération, le 4 juillet 2018.
[2] In Biographie coloniale belge, Institut royal colonial belge, tome II, Bruxelles, 1951, p. 934. Document rédigé par les membres de la Commission de la Biographie Coloniale Belge : à savoir Fred Dellicour (Président), René Cambier, E. Devroey (Secrétaire), A. Engels, Jules Jadot, Georges Moulaert, Walter Robyns, Jérôme Rodhain et Pierre Staner.
[3] Cf. Quelle destinée pour le Congo-Kinshasa, après un si long déclin ?
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