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Prostitution : les effets de la loi “pénalisation du client”

Entrée en vigueur le 13 Avril 2016 et promulguée par la sénatrice Annick Billon, cette loi est arrivée à son premier bilan. Et pour Billon, elle n’a pas eu les effets escomptés et “n’est pas forcément à la hauteur de nos espérances.” C’est la délégation sénatoriale aux droits des femmes qui s’est chargée de dresser un bilan le 8 avril. Leurs conclusions.

La principale difficulté mise en avant a été le manque de moyens pour faire appliquer la loi. Si celle-ci instaurait “l’accompagnement des personnes prostituées en leur donnant des perspectives”, cet accompagnement n’a pas su se mettre en place. En cause, un manque de travailleurs sociaux pour répondre aux demandes et une carence financière dans son budget. De plus, l’incrimination des clients a eu des effets pervers : les proxénètes proposent dorénavant des lieux de rencontres privés, déplaçant le problème de la rue aux habitations : on parle de “prostitution logée.” Maud Olivier, co-auteur de la loi, souligne que “la prostitution de rue a laissé place à la mise en relation sur internet et par téléphone”, ce qui rend presque obsolète la traque des clients et proxénètes dans la rue. 

Enfin, la pénalisation des clients change le rapport de force entre le client et le prostitué : avec le risque d’être interpellés par la police et d’avoir une amende de 1500 euros, ils insistent pour ne plus porter le préservatif selon les prostitués (hommes et femmes). Le risque est grand et le préservatif “retire du plaisir”, ce qui inquiète les travailleurs du sexe. Ils redoutent les infections sexuellement transmissibles et depuis un an, le coronavirus. Des outils d’évaluation du phénomène de la prostitution ont été mis en place en même temps que la loi, sans que l’on puisse tirer des chiffres ou des conclusions satisfaisantes. Certains de ces dispositifs, à l’instar de la protection spéciale des victimes de traite ou de proxénétisme en danger, n’ont même jamais été utilisés. 

Pour l’association Médecins du Monde, cette loi “n’a fait qu’aggraver les conditions de vie des travailleurs et travailleuses du sexe” qui exercent dans des lieux isolés et sont plus exposés à la violence. Pour eux, ces personnes sont “discriminé.e.s, précarisé.e.s et invisibilisé.e.s par une loi qui ne les protègent pas.” Une campagne sur les réseaux sociaux a été lancée le 7 avril par l’association, afin d’informer sur les conséquences de la loi et la nécessité de la modifier. S’il y a bien une chose sur laquelle tout le monde s’accorde à propos de cette loi, c’est le besoin impératif de l’améliorer. 

Maud Baheng Daizey

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