Rubrique
Longread

Le naufrage de Venise

Dans Le Naufrage de VeniseIsabelle Autissier imagine une Venise détruite par un tsunami dévastateur. C'est ce qu'on redoute à l'heure des changements climatiques et des événements climatiques exceptionnels. Mais le premier problème de la ville n'est peut-être pas l'eau.

Ce que l’économie touristique a fait aux Vénitiens

Chaque année, 30 millions d’étrangers du monde entier accostent à Venise. C’est près de la moitié de la population française. En moyenne, 80 000 visiteurs foulent les rues pavées de la ville flottante chaque jour. Si les chiffres ne vous parlent pas, il faudra peut-être vous en contenter, car si le voir c’est le croire, le voir c’est aussi l’user.

De la responsabilité du AirBnB

Un logement entier pour le prix d’une chambre d’hôtel low-cost : les vacances à l’étranger sont devenues accessibles aux plus modestes. Mais le bonheur des uns fait toujours le malheur des autres… Ces hébergement empêchent les vénitiens de se loger à l'année (et ils sont loin d'être les seuls à s'en plaindre). Il aura fallu trois ans à Alexander pour trouver un logement à Venise pour rejoindre sa femme et se mettre en ménage.

Pire, le AirBnB enrichit des riches Italiens qui bien souvent ne sont pas des Vénitiens. Cet argent qui pourrait être réinjecté dans la vie publique de Venise est dans les faits perdu pour la ville, au grand damne des habitants.

Les prix qui font fuir

Le tourisme de masse réduit considérablement l’offre de logement pour les locaux tandis que la demande reste la même, alors les prix gonflent. A cela s'ajoute la fragilité de la ville construite sur pilotis, en partie submersible lors de l’aqua alta, qui rend l’entretien des logements très couteux. Finalement, les Vénitiens les plus modestes, victimes de la montée des eaux ne peuvent se reloger à Venise et quittent la ville. De même, les jeunes actifs partent trouver du travail ailleurs, car quand on ne veut pas travailler dans le domaine touristique, Venise n’a pas grand chose à offrir.

Aujourd’hui, il ne reste plus que 50 000 vénitiens dans la ville, soit 3 fois moins que dans les années 1950.

Le pont du rialto plein de touriste à l'approche de minuit
Le pont du rialto est encore plein de touristes à l'approche de minuit

Ce que le tourisme de masse a fait à Venise

L’afflux de touriste pose des problèmes logistiques et de pollution. Un touriste ne fait pas que se promener toute la journée, il consomme et il produit des déchets. A Venise, les poubelles débordent tous les jours. Difficile de gérer la masse de détritus dont une partie finit volontairement ou non dans la lagune : bouteilles en plastique, mégots, etc. On pouvait s’y baigner à une époque, mais aujourd'hui n’y comptez plus. Désormais, les gondoliers qui plongent de temps en temps pour aller repêcher des tonnes de déchets par an remontent des choses insolites à la surface : écran d’ordinateur, vélo, machine à laver, pneu…

Dans le même temps, bien qu'aucune voiture ne roule dans la ville, les gondoles ne sont pas les seules moyens de locomotion. A vrai dire, elles ne sont plus que des attractions touristiques. Ce sont les vaporetti et les taxis, des bateaux à moteurs, qui sont sollicités chaque jour par les touristes (en plus des habitants) pour aller d’un quartier à un autre, d’une île à une autre, et l’eau s’en retrouve gravement polluée.

Statue du penseur d'Auguste Rodin exposée au musée de la Ca'Pesaro à Venise
Tout ces faits laissent penseurs, n'est-ce pas ?

Est-il trop tard pour sauver Venise ?

Si le COVID-19 a impacté le quotidien des Vénitiens et dégradé son économie qui repose en grosse partie sur le tourisme, ça n’a pas été qu’un dommage. Le calme induit par l’absence de touristes a été apprécié. Et les canaux ont retrouvé leur limpidité au point d’y voir revenir des cygnes et des dauphins.

Les mesures prises par le gouvernement

Cet épisode épidémique a donné à réfléchir. En 2021, les bateaux de croisière ont été interdits dans le grand canal et le canal de la Giudecca. Ces gros bateaux, en plus de multiplier les rejets d’hydrocarbure dans l’eau de la lagune, fragilisaient les rives et provoquaient des vagues intenses, difficiles à gérer pour les gondoliers. Mais ce n'est pas suffisant.

Contrôler l’entrée des touristes

Le gouvernement envisage d’appliquer un quota d’entrée dans la ville pour remédier au tourisme de masse qui abîme la ville et ses habitants. Le principe : installer des portiques aux principales entrées de Venise pour encadrer l’afflux de touristes qui seraient contraints de réserver leur passage en achetant un ticket. Tout ces visiteurs seraient contraint de payer une taxe journalière allant jusqu’à 10 €.

Une mesure dépréciée des Vénitiens

Cette idée reviendrait à Disneylandiser Venise et à faire de la ville un monument en ignorant qu’elle vit et comporte des habitants. Ceux-ci voient ça comme une insulte à leur statut de Vénitien. Vous imaginez entrer dans votre ville comme on entre dans le métro ?

Néanmoins, certains Vénitiens sont dubitatifs sur l’effectivité de cette mesure. A leur avis, il ne s’agit encore que d’un effet d’annonce qui ne se concrétisera pas. En effet, le gouvernement a prononcé ce souhait d’encadrer le tourisme il y a plus de deux ans et rien n’a changé depuis. Le tourisme de masse est revenu à la charge alors que le COVID-19 fait encore des victimes.

Les recommandations raisonnées

La meilleure façon de mesurer le tourisme à Venise est de le rendre durable. Privilégier une chambre d’hôtel à un logement AirBnB c’est s’assurer de faire tourner l’économie de Venise et de contribuer au pouvoir d’achat des Vénitiens. Dans le même temps, éviter les lieux bondés comme la Place Saint-Marc et sa basilique et les périodes massivement choisies comme l’été, c’est répartir la population et donc réduire l'effet masse.

Vous pouvez aussi visiter Venise autrement, il existe des moyens plus durables et respectueux de voyager. Par exemple, l'ONG Greenpeace a créé une plateforme pour trouver des voyages écologiques en évitant de prendre l'avion. Sachez également qu'une alternative sociale à la location de logement existe, il s'agit de FairBnB qui finance des projets communautaires locaux.

Enfin, sachez que Venise n’est pas le seul endroit à voir sur Terre. Vous n’aurez pas raté votre vie si vous ne la voyez jamais. De la même façon qu’on ne pourra jamais lire tous les livres qu’on voudrait ou voir tous les films qui existent, on ne pourra jamais voyager dans toutes les villes du monde… Il faut l’accepter.

Application Mobile

Téléchargez Encrage Media sur votre mobile pour ne pas manquer nos dernières publications !

Commentaires

Jakez (non vérifié) , mer 03/08/2022 à 14h19
Cet ouvrage qui étale les ressentiments d’une jeune khmer verte et de son vieux ringard de père n,à rien à voir en fait avec la crise du réchauffement et lamer…on peut se demander qui ainspiré ce roman à Isabelle par ailleurs plutôt bonne écrivaine.
Le contenu de ce champ sera maintenu privé et ne sera pas affiché publiquement.
CAPTCHA
Cette question sert à vérifier si vous êtes un visiteur humain ou non afin d'éviter les soumissions de pourriel (spam) automatisées.
Image CAPTCHA
Saisir les caractères affichés dans l'image.